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La mort bleue

La mort bleue

Titel: La mort bleue Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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historiques
    Bégin, Louis-Nazaire (1840-1925) : Prêtre, il est nommé archevêque de Québec en 1898 et cardinal, à la tête du même diocèse, en 1914.
    Â 
    Bourassa, Henri (1858-1952) : Homme politique, chef du mouvement nationaliste, fondateur du journal Le Devoir (1910), il s’oppose à la conscription pendant la Première Guerre mondiale.
    Â 
    Laurier, Wilfrid (1841-1919) : Avocat de formation, journaliste et homme politique, il est député libéral du comté de Québec-Est de 1877 jusqu’à sa mort. Pendant la Première Guerre, il s’efforce de concilier les obligations du Canada à l’égard de la métropole et les réticences des Canadiens français à s’engager dans le conflit.
    Â 
    Lavergne, Armand (1880-1935) : Avocat, député du comté (1880-1935) : Avocat, député du comté 1916). Il s’oppose farouchement à la conscription. Une rumeur persistante en fait le fils naturel de Wilfrid Laurier.
    Â 
    Lavigueur, Henri-Edgar (1867-1943) : Marchand, maire de Québec (1916-1920; 1930-1934), il est aussi député aux Communes de 1917 à 1930.
    Â 
    Lavigueur, Louis (1893-1918) : Fils du précédent, gérant de la succursale du quartier Saint-Roch du commerce familial, il meurt de la grippe espagnole.

1
    Les «grandes», au nombre d’une demi-douzaine, régnaient en quelque sorte sur le Quebec High School, objets de l’admiration des plus jeunes. Elles incarnaient un idéal très récent qui, par ailleurs, éveillait souvent de vifs soupçons : celui de femmes instruites, susceptibles de troubler les rapports avec les membres de l’autre sexe. Fréquenter l’école à dix-huit ans représentait un accomplissement : de rares garçons, des filles moins nombreuses encore, profitaient de ce privilège. L’innovation demeurait bien suspecte.
    Ces demoiselles allaient et venaient à leur guise dans l’établissement, géraient elles-mêmes leur temps d’étude et s’adressaient aux institutrices d’égales à égales. Au moment de quitter les lieux en fin d’après-midi, Thalie, devenue « Thalia » en ces murs, s’arrêta un moment dans le hall pour contempler le tableau d’honneur. Plusieurs photographies de jeunes soldats se trouvaient ornées d’un ruban noir. Leur nombre augmentait avec une affreuse régularité. Celle de Mathieu, demeurée vierge de tout ornement, retint un long moment son regard. Les nouvelles venaient du front avec une inquiétante lenteur. Après un silence long de plusieurs semaines, elle devait se résoudre à espérer que son frère se portait toujours bien, sans en avoir la certitude.
    La jeune femme laissa échapper un soupir lassé, plaça son chapeau de paille sur l’abondante masse de ses cheveux noirs, faisant attention à la lourde tresse sur sa nuque. Le mois de mai se montrait radieux, le soleil déjà chaud. Les événements dramatiques survenus le premier jour d’avril, au lendemain de la fête de Pâques, paraissaient lointains déjà. Les passants tués par la mitraille, près de l’École technique de Québec, s’estompaient progressivement des mémoires. Bien peu d’habitants de la ville pouvaient encore dire leurs noms.
    Thalie marcha rapidement dans le chemin Saint-Louis, traversa la place d’Armes sans ralentir, malgré les invitations toujours maladroites, souvent égrillardes, de militaires soucieux de douces rencontres avant de s’embarquer vers les champs de bataille.
    Elle se trouva bientôt face à la devanture familière de la boutique ALFRED. La clochette placée au-dessus de la porte signala son arrivée. Quelques clientes se promenaient entre les étals, promptes à se lamenter de la rareté de la marchandise. Maintenant que les États-Unis se trouvaient engagés à fond dans la guerre européenne, la production de vêtements pour femmes paraissait bien accessoire.
    â€” Elle est arrivée, déclara Françoise depuis son poste, derrière la caisse enregistreuse.
    Son sourire exprimait une sympathie un peu inquiète. Marie délaissa une jeune acheteuse pour s’approcher de sa fille. L’invitée de la maison chercha l’enveloppe sous le comptoir pour la tendre à la nouvelle

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