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La nièce de Hitler

La nièce de Hitler

Titel: La nièce de Hitler Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ron Hansen
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se refroidir sur le parquet de chêne. Elle
les déplaça sur le tapis. Elle entendit des cintres tinter dans l’armoire de
son oncle, et des tiroirs glisser et se fermer en faisant toc.
    — Entre, princesse, dit-il enfin.
    La chambre m’as-tu-vu de son oncle était
conçue sur le modèle de sa suite préférée de l’hôtel de luxe Kaiserhof à Berlin,
avec des meubles en acajou, des accessoires en or, des murs recouverts de daim
rouge, et un somptueux couvre-lit couleur or sur un lit de plumes haut et large.
Une photographie floue de sa mère était accrochée sous une applique de cuivre à
la droite du lit, et de l’autre côté une peinture obsédante de Franz von Stuck
intitulée Die Sünde (Le Péché) lui faisait pendant. Hitler était
recroquevillé, comme s’il était malade, dans une bergère d’un rouge flamboyant
placée face au lit et juste au-dessous du nu réaliste d’Adolf Ziegler, les
mains croisées sur son bas-ventre, vêtu d’une chemise de nuit blanche à col
fermé.
    — Qu’est-ce que je fais ? demanda
Geli.
    — Tu ne veux pas me remplir mon verre d’eau ?
dit-il d’un ton pleurnichard.
    Elle alla vers une table de nuit sur laquelle
étaient posés une carafe pleine d’eau et un verre.
    — Dis ce que tu fais, demanda-t-il.
    Est-ce que Eva le ferait ? Et ses
actrices ? Elle se lança.
    — Voilà votre eau, oncle Adolf.
    — Oui, dit-il, si jamais j’ai soif.
    Elle était sur le point de se retourner quand
il lui dit :
    — Ne te retourne pas.
    — Et maintenant ?
    — La fenêtre, dit-il comme si elle était
lente à comprendre.
    — Vous voulez que j’ouvre la fenêtre ?
    — Oui, répondit-il en suivant le fil de
son histoire. Ça sent le renfermé.
    Elle réprima toute une série d’appréhensions
en sentant son regard sur le cinéma de ses gestes maternels. Elle leva le
panneau d’une fenêtre à l’autre bout de la pièce, un peu, un peu plus haut, encore
un peu plus haut.
    — Suffit !
    Elle entrevit la moitié du visage de son oncle
dans un miroir – tellement sincère, innocent, et fasciné, tel un collégien sage
qui vient d’apercevoir pour la première fois les renflements sous le corsage d’une
fille – et ne ressentit que de l’affection pour lui. Elle passa à l’étape
suivante.
    — Vous êtes très fatigué, n’est-ce pas, oncle
Adolf ?
    — Oui, répondit-il d’une voix d’enfant. J’ai
sommeil.
    Elle attendit.
    — Et tu fais la couverture, dit-il
doucement.
    Était-ce ce que Klara faisait pour lui ? Elle
essaya quelque chose.
    — Tu veux que j’ouvre ton lit, Adi ?
    — Je veux bien, répondit-il avec la même
voix d’enfant. J’ai tellement sommeil.
    Elle s’avança vers la tête du lit, saisit la
courtepointe dorée, la couverture et le drap, et les écarta du gros oreiller
blanc en formant un triangle.
    Il pleurnicha de nouveau.
    — Pas si vite !
    — Je recommence ?
    — Oui.
    Geli se releva, se pencha, reprit les
couvertures et refit un triangle plus grand.
    — Reste comme ça, dit-il.
    Une épouse ferait ça ? Une maîtresse ?
Une infirmière, une bonne, une secrétaire ferait ça pour l’homme qu’elle aimait ?
Oui, décida-t-elle, elles le feraient, elles le faisaient, des centaines et des
centaines de fois. Elle sentit l’intérêt de son oncle se déplacer tandis qu’elle
se tenait là, qu’elle posait, la croupe haute, le satin jaune de son pyjama
tendu sur ses fesses, les coudes plantés sur le matelas pour soulager la
tension de sa colonne vertébrale.
    — Tu es si jolie, si jolie !
    Puis il soupira et dit :
    — Tu peux t’en aller à présent.
    Elle garda les yeux baissés en sortant.
    — Dormez bien, lui dit-elle une fois
arrivée à la porte.
    — Oui, je crois que je vais bien dormir. Merci.
    Calme et à l’aise, comme si elle lui avait
administré un médicament.
    Le lendemain matin, à
onze heures, elle était en train de casser la coquille d’un œuf à la coque avec
une cuillère quand il fit son apparition dans la salle du petit déjeuner, tout
reposé et d’humeur allègre. Maria Reichert apporta en traînant les pieds un
plateau avec du chocolat chaud, des petits pains, des carrés de chocolat sur
une assiette, et ils se mirent à discuter comme deux vieux amis sur le froid, la
hausse des prix, et les soucis que rencontrait un cousin de Maria, ouvrier dans
une usine.
    — Ah, tout le monde doit gagner son pain,
n’est-ce pas ? dit-il.
    — Eh oui, répondit

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