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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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moines se levèrent à l’unisson et s’alignèrent
par ordre d’ancienneté. Comme ils s’ébranlaient vers la porte du réfectoire,
Frère Adalgar se pencha sur son oreille :
    — Parens, murmura-t-il en la montrant du doigt.
    Un parent.
     
     
    Du pas mesuré qui
seul convenait aux moines de Fulda, Jeanne suivit ses frères hors du
réfectoire. Rien, dans son aspect extérieur, ne trahissait sa profonde
agitation.
    Frère Adalgar
pouvait-il avoir raison ? Un de ses parents était-il à Fulda ? Son
père ? Sa mère ? Parens... Ce pouvait être l’un ou l’autre. Et
si c’était son père ? Il s’attendrait à voir Jean. Cette pensée l’emplit
de crainte. Si son père découvrait son imposture, il la dénoncerait à coup sûr.
    Mais après tout,
peut-être était-ce sa mère. Gudrun, elle, ne trahirait jamais son secret. Elle
comprendrait qu’une telle révélation lui coûterait la vie.
    Mère... Il y avait dix ans que Jeanne ne l’avait revue, et la séparation
avait eu lieu dans les pires circonstances. Tout à coup, elle ressentit l’envie,
presque irrésistible, de revoir son visage aimé, de se blottir dans ses bras et
de l’entendre murmurer les mots rythmés de la langue des Anciens.
    Frère Samuel, le
frère hospitalier, l’arrêta au moment où elle quittait le réfectoire.
    — Tu es
dispensé de tes devoirs pour cet après-midi, Frère Jean, lui annonça-t-il.
Quelqu’un désire te voir.
    Partagée entre l’espoir
et la crainte, Jeanne ne dit mot.
    — N’aie pas
l’air si grave, mon frère. On dirait que c’est le diable qui vient te rendre
visite pour s’emparer de ton âme immortelle !
    Frère Samuel
partit d’un grand éclat de rire. C’était un homme jovial, au grand cœur, aimant
le rire et la plaisanterie. Après lui avoir reproché longtemps ces qualités peu
monacales, l’abbé Raban avait baissé les bras et décidé de le nommer
hospitalier, fonction qui, dans la mesure où elle consistait à accueillir les
visiteurs, convenait parfaitement à sa tournure d’esprit.
    — C’est ton
père, reprit-il joyeusement. Il t’attend au jardin.
    Une bouffée de
panique craquela le masque impassible de Jeanne. Elle recula en secouant la
tête.
    — Je... je
ne veux pas le voir. C’est impossible !
    Le sourire de Frère
Samuel s’évanouit.
    — Voyons,
mon frère, tu déraisonnes. Ton père est venu d’Ingelheim dans le seul but de te
parler.
    Elle devait
trouver une explication.
    — Les choses
ne sont pas au mieux entre nous, bredouilla- t-elle. Je... nous nous sommes
querellés à mon départ.
    Frère Samuel lui
passa un bras amical autour des épaules.
    — Je
comprends. Mais c’est ton père, et il vient de fort loin. En lui parlant, même
peu de temps, tu feras acte de charité.
    Incapable de lui
opposer un argument valable, Jeanne resta coite. Frère Samuel interpréta ce
silence comme un consentement.
    — Viens, je
te mène à lui.
    — Non !
s’écria-t-elle en se dégageant.
    Frère Samuel
resta interdit. On ne s’adressait pas sur ce ton à l’hospitalier, l’un des sept
obédienciers de l’abbaye.
    — Ton âme
est en émoi, Frère Jean, dit-il sèchement. Tu as grand besoin d’un redressement
spirituel. Nous en discuterons demain au chapitre.
    Que puis-je
faire ? Il serait difficile, pour ne pas dire
impossible, de cacher sa véritable identité à son père. D’un autre côté, un
débat au chapitre risquait d’avoir des conséquences aussi catastrophiques.
Aucune excuse ne pourrait justifier son refus. Et si, comme Gottschalk, elle
était convaincue d’insoumission...
    — Pardonnez-moi,
répondit-elle, respectueuse, pour mon manque de sang-froid et d’humilité. Mais
vous m’avez pris au dépourvu, et mon trouble m’a fait oublier tous mes devoirs.
Je vous demande pardon le plus humblement du monde...
    L’excuse était
bien tournée. Le sourire revint aux lèvres de Samuel. Il n’était pas rancunier.
    — Je te l’accorde,
mon frère. Viens, nous irons ensemble jusqu’au jardin.
     
     
    Tandis qu’ils
quittaient le cloître et passaient devant les étables, le moulin et le fournil,
Jeanne soupesa fiévreusement ses chances. La dernière fois que son père l’avait
vue, elle n’était qu’une petite fille, âgée de douze ans à peine. Elle avait
profondément changé. Peut-être ne la reconnaîtrait-il pas.
    Ils arrivèrent
dans le jardin, traversé de treize planches rectilignes  – nombre
symbolique entre

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