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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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peu à peu, et il récita la prière des morts. Jeanne,
cette fois, ne l’accompagna pas. À voix basse, elle invoqua le nom sacré de
Thor, dieu du Tonnerre, ainsi que sa mère le lui avait appris bien des années
plus tôt.
    Mal à son aise,
son père s’éclaircit la gorge.
    — J’ai une
question, Jean. À propos de ma mission en terre saxonne. Crois-tu que... que
les moines de cette abbaye auraient l’usage de mes services, pour la conversion
des païens ?
    — Et votre
office à Ingelheim ?
    — Je dois t’avouer
que ma position à Ingelheim est devenue délicate. Le récent malheur de ta
mère...
    Jeanne comprit
soudain. Les sanctions contre les membres du clergé mariés, rarement appliquées
sous Charlemagne, s’étaient durcies au cours du règne de son fils, dont le zèle
chrétien lui avait valu d’être surnommé Louis le Pieux. Le récent synode de
Paris avait puissamment renforcé la théorie et la pratique du célibat clérical.
La grossesse de Gudrun, preuve tangible de la lubricité du chanoine, n’aurait
pas pu intervenir à pire moment.
    — Vous avez
perdu votre fonction ?
    Son père hocha la
tête à contrecœur.
    — Cependant,
il me reste encore bien assez de volonté et de savoir-faire pour œuvrer au nom
du Seigneur, ajouta-t-il. Si tu pouvais intercéder en ma faveur auprès de l’abbé
Raban Maur...
    Jeanne ne
répondit pas. Son cœur était bouffi de chagrin, de colère et de douleur. La
compassion n’y avait pas sa place.
    — Tu ne
réponds pas ? dit le chanoine en se levant, d’un ton où elle crut
retrouver quelque chose de son despotisme d’antan. Tu es devenu orgueilleux,
mon fils ! N’oublie pas que c’est moi seul qui t’ai permis d’accéder à cet
endroit et à la position que tu occupes désormais. « Contritionem
praecedit superbia, et ante ruinam exaltatio spiritus  – l’orgueil
précède la contrition, et l’exaltation la chute. » Proverbes, chapitre
seize.
    — « Bonum
est homini mulierem non tangere  – il est bon
pour un homme de ne point toucher une femme », riposta Jeanne. Première
Épître aux Corinthiens, chapitre sept.
    Son père leva sa
canne pour la frapper, mais son mouvement lui fit perdre l’équilibre, et il
tomba. Jeanne lui tendit une main pour l’aider à se relever, mais il s’accrocha
à elle, l’attirant vers le sol.
    — Mon fils,
supplia-t-il, les yeux noyés de larmes, mon fils, ne m’abandonne pas ! Tu
es tout ce qui me reste !
    Dégoûtée, elle
recula si violemment que sa capuche glissa sur sa nuque. Elle la rajusta en
hâte, mais il était trop tard. Les traits de son père se figèrent en une
grimace horrifiée.
    — Non,
lâcha-t-il, abasourdi. Cela ne peut pas être !
    — Père...
    — Fille d’Ève,
qu’as-tu fait ? Où est ton frère ? Où est Jean ?
    — Il est
mort.
    — Mort ?
    — Tué par
les Normands, à la cathédrale de Dorstadt. J’ai tenté de le sauver, mais...
    — Sorcière !
Monstre ! Démon de l’enfer ! s’écria-t-il en se signant à plusieurs
reprises.
    — Père, s’il
vous plaît, laissez-moi vous expliquer...
    Jeanne était au
désespoir. Elle devait l’apaiser avant que ses éclats de voix n’attirent l’attention.
Le chanoine récupéra son bâton et se releva. Tout son corps tremblait comme une
feuille. Jeanne fit un mouvement pour l’aider, mais il la repoussa.
    — Tu as tué
ton frère aîné ! Pourquoi n’as-tu pas eu la clémence d’épargner son cadet ?
    — J’aimais Jean,
Père. Jamais je ne lui aurais fait de mal. Les Normands l’ont tué. Ils sont
arrivés sans crier gare, brandissant leurs haches et leurs épées !
protesta-t-elle, la gorge secouée de sanglots. Jean a voulu résister, mais ils
n’ont épargné personne, personne ! Ils...
    Son père se
tourna vers la porte.
    — Il faut
que cela cesse, gronda-t-il. Je dois t’empêcher de continuer à répandre le mal.
    Elle lui saisit
le bras.
    — Père, non,
je vous en prie, ils me tueront !
    Furieux, il fit
volte-face.
    — Diablesse !
Puisses-tu être morte dans les entrailles de ta païenne de mère avant même de
voir le jour ! Lâche- moi !
    Jeanne s’accrocha
à lui avec l’énergie du désespoir. S’il franchissait le seuil de la chapelle,
elle était perdue.
    — Frère Jean ?
lança une voix depuis le seuil. As-tu des soucis ?
    C’était Frère
Samuel, le regard inquiet. Surprise, Jeanne relâcha son étreinte. Son père se
libéra d’un geste

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