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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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brutal et marcha vers le moine.
    — Conduisez-moi
à l’abbé Raban. Je dois... je dois...
    Il s’interrompit
brusquement, le regard frappé de stupeur. En quelques secondes, la peau de son
visage devint violacée. Ses traits se tordirent grotesquement. Son œil droit
paraissait à présent plus bas que l’autre, tandis que sa bouche s’affaissait d’un
côté.
    — Père ?
fit Jeanne, s’approchant d’un pas incertain.
    Il agita vers
elle une paire de bras frénétiques.
    Terrifiée, elle
recula.
    Le chanoine hurla
quelque chose d’incompréhensible et s’effondra soudain en avant, comme un arbre
coupé.
    Frère Samuel
appela à l’aide. Presque aussitôt, cinq moines parurent sur le seuil. Jeanne,
agenouillée près de son père, le souleva dans ses bras. Sa tête ballait
lourdement. Elle la posa sur son épaule. En le regardant au fond des yeux, elle
eut la surprise d’y déchiffrer une haine inexprimable. Ses lèvres tentaient
désespérément d’articuler un mot.
    — M... m...
m...
    — N’essayez
pas de parler, murmura Jeanne. Vous êtes trop faible.
    Il la regarda
avec une furie sauvage. Enfin, au prix d’un effort terrible, il parvint à
prononcer le mot désiré :
    — M... m... mulier !
    Femme !
    Au prix d’une
ultime convulsion, sa tête se tourna sur le côté et resta dans cette position,
le regard figé à jamais dans une grimace d’exécration.
    Jeanne se pencha
sur lui en quête d’une trace de souffle. Après une longue attente, elle referma
ses paupières.
    — Il est
mort.
    Frère Samuel et
les autres se signèrent.
    — Il me
semble l’avoir entendu parler avant de mourir, dit l’hospitalier. Qu’a-t-il dit ?
    — II... il a
invoqué Marie, la mère du Christ.
    — Un saint
homme, opina Frère Samuel en hochant la tête, avant de se tourner vers les
autres. Menez-le à l’église. Nous apprêterons sa dépouille avec tous les
honneurs requis.
     
     
    — Terra
es, terram ibis, psalmodia l’abbé Raban.
    Comme les autres
moines, Jeanne se pencha pour ramasser une poignée de terre et la jeter dans la
fosse au fond de laquelle reposait le cercueil de planches lisses de son père.
    Il l’avait
toujours méprisée. Même toute petite, avant que la guerre n’eût été déclarée
entre eux, elle n’avait jamais pu obtenir de lui autre chose qu’une tolérance
teintée d’amertume. Aux yeux de son père, elle n’était qu’une fille, un être
stupide et sans valeur. Mais bien que sachant tout cela, elle était choquée de
la détermination avec laquelle il avait voulu la dénoncer, et par conséquent la
condamner à une mort horrible.
    Toutefois, quand
la dernière pelletée de terre eut été jetée sur la sépulture paternelle, Jeanne
sentit gonfler dans son cœur une vague de mélancolie. Elle avait toujours
craint son père. Peut-être même l’avait-elle haï. Et cependant, elle avait l’impression
d’avoir perdu quelque chose. Matthieu, Jean, sa mère... Tous étaient partis.
Son père représentait jusqu’à ce jour le lien ultime avec ses origines  –
avec l’enfant qu’elle avait été. Jeanne d’Ingelheim n’existait plus. Seul restait
Jean Anglicus, prêtre et moine de l’abbaye bénédictine de Fulda.

17
    Fontenoy, 841
     
    La prairie,
traversée en son milieu par le lit d’argent délicatement sinueux d’une rivière,
scintillait dans la clarté métallique des premiers feux de l’aube. Un décor
incongru pour une bataille, songea Gerold, amer.
    L’empereur Louis
le Pieux était mort moins d’un an plus tôt mais, déjà, la rivalité larvée qui
avait longtemps opposé ses trois fils s’était transformée en guerre ouverte.
Bien que l’aîné, Lothaire, eût hérité le titre d’empereur, le gigantesque territoire
de l’empire avait été divisé entre lui et ses deux frères cadets, Charles et
Louis. Cet arrangement malhabile, et par là même dangereux, avait laissé tout
le monde sur sa faim. En dépit de cette périlleuse situation, la guerre eût pu
être évitée si Lothaire avait fait preuve d’un plus grand talent diplomatique.
Mais sa nature despotique l’avait poussé à traiter ses deux cadets avec une
telle arrogance qu’ils avaient fini par s’allier contre lui. Les trois
héritiers de Louis le Pieux, bien décidés à régler leurs différends dans le
sang, allaient se battre aujourd’hui à Fontenoy.
    Après une longue
hésitation, Gerold s’était rangé dans le camp de Lothaire. Il connaissait

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