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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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tous, choisi pour rappeler la sainte congrégation du Christ et
de ses douze apôtres lors de la Cène. Chaque planche mesurait exactement sept
pieds de largeur  – encore un symbole : le chiffre sept, en tant que
nombre d’attributs de l’Esprit Saint, représentait la totalité des choses
créées.
    Au fond du
jardin, entre une planche de passerage et une autre de cerfeuil, son père
attendait, le dos tourné. Jeanne reconnut immédiatement sa silhouette
courtaude, son cou épais, sa posture décidée. Elle rabattit encore un peu sa
capuche de manière à couvrir entièrement ses cheveux et, autant que possible,
son visage.
    Entendant des
pas, le chanoine se retourna. Ses cheveux et ses sourcils broussailleux, qui
jadis effrayaient tant Jeanne, avaient entièrement viré au gris.
    — Dieu soit
avec toi, murmura Frère Samuel en adressant à Jeanne une petite tape d’encouragement
sur l’épaule.
    Et il les laissa
seuls.
     
     
    Son père vint
vers elle d’un pas hésitant. Il était plus petit que dans le souvenir de
Jeanne. Elle remarqua non sans surprise qu’il s’appuyait sur une canne. À son
approche, elle se détourna et, d’un geste, lui fit signe de la suivre. Il
fallait quitter au plus vite la lumière crue du soleil au zénith. Elle le
précéda dans la chapelle sans fenêtre qui jouxtait le jardin, espérant faire de
la pénombre son alliée. Elle attendit qu’il se fût assis sur un banc pour
prendre place à l’autre bout, en prenant soin de garder la tête basse et de
dissimuler son profil.
    Le chanoine se
mit à dire le Notre Père.
    — Pater
noster, qui es in caelis, sanctificetur nomen tuum...
    Ses grosses mains
tremblaient. Sa voix cassante, presque chevrotante, était celle d’un vieillard.
Jeanne pria avec lui. Une fois la prière terminée, ils restèrent un moment
silencieux.
    — Mon fils,
déclara enfin le chanoine, tu te conduis fort bien. Le frère hospitalier m’a
appris que tu seras bientôt prêtre. Tu as accompli les espoirs que je plaçais
autrefois en ton frère aîné.
    Matthieu... D’instinct, Jeanne porta la main à la médaille de sainte Catherine
qu’elle n’avait jamais cessé de porter autour du cou. Ce geste n’échappa pas à
son père.
    — Ma vue
baisse, dit-il. Mais... ne serait-ce pas là le médaillon de ta sœur Jeanne ?
    Jeanne lâcha
aussitôt l’effigie, maudissant sa stupidité. Comment avait-elle pu oublier de
la cacher ?
    — Je... je
le lui ai pris en souvenir, Père. Après...
    Elle n’eut pas le
courage de lui raconter l’horreur de l’attaque normande.
    — Ta sœur
est-elle morte sans... déshonneur ?
    Jeanne fut
aussitôt assaillie par l’image de Gisla, hurlant de douleur et d’effroi tandis
que les Normands la violentaient tour à tour.
    — Elle est
morte vierge, Père.
    — Deo
gratias, lâcha le chanoine en se signant. Elle a
péri selon la volonté de Dieu. Cette enfant était obstinée et anormale. Elle n’aurait
jamais connu la paix dans ce monde-ci. Tout est pour le mieux.
    — Elle n’aurait
pas tenu ce langage.
    Si le chanoine
décela la pointe d’ironie qui vibrait dans la voix de Jeanne, il n’en montra
rien.
    — Sa mort a
causé un profond chagrin à ta mère.
    — Comment se
porte-t-elle ?
    Pendant un
interminable moment, le chanoine resta muet. Quand il répondit enfin, ce fut d’une
voix plus tremblante encore :
    — Elle est
partie.
    — Partie ?
    — Dans les
profondeurs de l’enfer, où elle rôtira pour les siècles des siècles.
    — Non...
souffla Jeanne, le cœur serré.
    — Elle est
morte il y a une lune, refusant d’être absoute ou réconciliée avec le Christ,
en invoquant ses idoles païennes. Quand la sage-femme m’a annoncé qu’elle ne
survivrait pas, j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir, mais elle n’a pas
voulu recevoir les derniers sacrements. Et quand j’ai glissé entre ses lèvres
la sainte hostie, elle me l’a recrachée au visage !
    — La
sage-femme ? Voulez-vous dire que...
    Sa mère avait
plus de cinquante ans : elle avait largement passé l’âge de porter un enfant.
D’ailleurs, elle n’en avait plus eu après la naissance de Jeanne.
    — On ne m’a
pas permis de l’enterrer dans le cimetière chrétien, à cause de l’enfant non
baptisé qui était resté dans ses entrailles.
    Tout à coup, le
chanoine se mit à pleurer. De profonds sanglots l’ébranlèrent.
    L’aimait-il
malgré tout ?
    Les larmes du
chanoine s’apaisèrent

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