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La Papesse Jeanne

La Papesse Jeanne

Titel: La Papesse Jeanne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Donna Cross
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gloire, en dépit de son sexe et de l’opinion générale.
    Mais si Balthilde
avait vu juste pour son avenir, il en allait de même pour celui de Gisla.
    Quand Gerold
revint à l’échoppe le lendemain avec les deux adolescentes, elle était déserte.
Personne ne fut capable de leur dire où la vieille femme s’en était allée.
     
     
    Au mois de
Winnemanoth, Gisla épousa le comte Hugo, non sans que les familles eussent
rencontré quelque difficulté pour arrêter une date permettant la consommation
immédiate du mariage. L’Église interdisait en effet les rapports conjugaux le
dimanche, le mercredi et le vendredi, ainsi que pendant les quarante jours
précédant Pâques, les huit jours suivant la Pentecôte, mais aussi cinq jours
avant la sainte communion, la veille de toute grande fête, et pendant les
Rogations. Au total, toute activité conjugale était prohibée pendant quelque
deux cent vingt jours par an, sans compter ceux de chaque mois où Gisla avait
ses menstrues. Rares étaient donc les dates possibles. On finit néanmoins par
se mettre d’accord pour le vingt-quatrième jour du mois, ce qui satisfit tout
le monde à l’exception de la fiancée, très impatiente de voir les festivités
commencer.
    Enfin, le grand
jour arriva. Tout Villaris fut sur le pied de guerre avant l’aube pour se
mettre au service de Gisla. Dans un premier temps, on l’aida à se glisser dans
une chemise de lin jaune à manches longues. Elle enfila ensuite une resplendissante
tunique, confectionnée avec le drap de fil d’or et d’argent qu’elle avait
acheté à la foire de Saint-Denis. À partir de ses épaules, elle tombait jusqu’à
terre en plis gracieux, repris en écho par ses manches larges et mi-longues. On
ceignit ses hanches d’une large ceinture incrustée de pierreries propre à lui
porter chance  – l’agate pour la préserver de la fièvre, la craie contre
le mauvais œil, la calcédoine pour la rendre féconde, le jaspe pour la protéger
durant ses couches. Enfin, on couvrit sa tête d’un voile de soie délicatement
brodé qui descendait jusqu’au sol, masquant entièrement ses cheveux cuivrés.
Figée dans sa robe nuptiale, osant à peine marcher ou s’asseoir, Gisla n’était
pas sans rappeler à Jeanne quelque ravissant oiseau exotique tué à la chasse,
farci, troussé et prêt à subir la découpe.
    Voilà qui ne m’arrivera
pas, se dit-elle. Elle n’avait aucune intention de
se marier, même si sept mois tout au plus la séparaient de ses quinze ans.
Encore trois ans de célibat, et on la regarderait comme une vieille fille. Elle
ne saisissait pas pourquoi les jouvencelles de son âge étaient tellement avides
de se marier, dans la mesure où ce sacrement condamnait toute femme à un état
de servitude permanent. L’homme était le maître absolu de son épouse, de ses
biens, de ses enfants, de sa vie même. Ayant enduré la tyrannie de son père,
Jeanne n’était pas disposée à donner à quelque homme que ce fût un tel pouvoir
sur sa personne.
    Gisla, plus
étourdie que jamais, marcha vers son promis avec enthousiasme, avec force
rougissements et petits rires. Le comte Hugo, superbe dans sa cape bordée d’hermine,
l’attendait sous le portique de la cathédrale. Elle prit la main qu’il lui
offrait et attendit fièrement que Wido, l’intendant de Villaris, eût
publiquement énuméré toutes les terres, tous les gens, tous les animaux et tous
les biens que Gisla, fille aînée du comte Gerold, apportait en dot à son époux.
Le cortège entra ensuite dans la cathédrale, où Fulgence attendait devant l’autel
pour dire une messe solennelle.
    — Quod
Deus conjunxit homo non separet, marmonna-t-il dans
son latin plus qu’hésitant.
    Il avait été
soldat avant d’hériter une charge d’évêque au crépuscule de sa vie. S’étant mis
très tardivement à l’étude, il avait le plus grand mal à parler un latin digne
de ce nom.
    — In
nomine Patria et Filia...
    Jeanne haussa les
sourcils. Le prélat, empêtré dans ses désinences, venait de dire « Au nom
de la Patrie et de la Fille » au lieu de « Au nom du Père et du
Fils... » !
    Ayant achevé sa
bénédiction, Fulgence poursuivit la messe en langue tudesque, ce qui lui permit
de se détendre.
    — Puisse
cette femme être toujours aimable comme Rachel, fidèle comme Sarah, et fertile comme
Léa, dit-il en imposant une paume sur le front de Gisla. Puisse-t-elle porter
de nombreux fils afin de faire

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