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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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liberté. Pouvait-il le leur reprocher ?
    Il s’en voulait de tant de choses. Il soupira. Cette fois, il avait pris une décision. Ecarter Ann des griffes concupiscentes d’Emma. Elle en serait furieuse à son retour, mais il ne céderait pas. Personne à part lui ne savait où Ann avait été conduite. Personne. Les moniales avaient reçu l’ordre de ne pas révéler sa présence, quelle que soit la personne qui se présenterait, quel que soit l’ordre qu’elles recevraient. Lui seul avait le pouvoir de lever cette interdiction.
    Jusqu’à ce qu’il lui ait choisi un prétendant, il la maintiendrait au secret. Une fois épousée, Emma ne pourrait plus se l’approprier.
    Dût-il mourir sous la torture, Cormac ne parlerait pas. Un pâle sourire étira son visage. Marie Brenan pouvait reposer en paix. D’une certaine manière, elle était vengée.
     
    *
     
    Corneille regarda le jour se lever sur la petite ville de Kingston. Il savait que ce serait le dernier. Son jugement avait été rapide. Le second du galion qu’ils avaient eu la faiblesse d’épargner avait témoigné contre le Bay Daniel Lui et ses compagnons avaient été reconnus coupables.
    A quelques centaines de mètres de la prison où il croupissait se dressait le gibet. On y avait déjà pendu la veille et l’avant-veille ses hommes d’équipage. Il était le prochain.
    — Visite, annonça le gardien en ouvrant la porte.
    Corneille se figea. Il avait refusé de voir le pasteur et détestait l’idée qu’on le lui imposât d’autorité. C’était seul et silencieusement qu’il voulait jouir de l’aube, pas dans le marmonnement d’une prière. La porte grinça sur ses gonds rouillés. La lueur d’une lanterne accompagna le mouvement d’un jupon.
    Le capuchon de la mante noire que portait sa visiteuse glissa en arrière, aidé par deux mains tremblantes. Il n’avait pourtant pas eu besoin qu’elle se découvre pour la reconnaître. Il se précipita pour l’enlacer.
    — Tu n’aurais pas dû venir, princesse, murmura-t-il après l’avoir embrassée à se noyer. Ce sera plus dur encore tout à l’heure.
    Mary jeta un coup d’œil par-dessus son épaule pour vérifier que le gardien s’était bien retiré en refermant la porte.
    — Il n’y aura pas de tout à l’heure, dit-elle en relevant son jupon.
    Elle arracha de sa jarretière le poignard qu’elle y avait caché. Ils l’avaient fouillée à l’entrée, mais pas jusque-là.
    — Tu es folle, dit-il en l’enlaçant de nouveau, dissimulant aussitôt le poignard dans sa manche.
    — Je n’ai pas pu, Corneille, pas pu me résigner, avoua-t-elle, respirant l’odeur de sa peau musquée par la sueur. Ta capture m’a mise dans une rage folle, contre toi, contre moi, contre tous. Et puis j’ai rejoint Junior sur le Bay Daniel que Barks avait ramené à la Tortue. Il était assis sur le pont central, au milieu du désordre, et il pleurait.
    Corneille la serra plus fort encore.
    — Ses larmes m’ont fait mal, Corneille, elles coulaient alors que je retenais les miennes, et j’ai promis. Promis que, si tu avais été pris par les Anglais, je ne te laisserais pas pendre sans rien tenter. Nous sommes arrivés hier à Kingston avec Barks et Duncan, déguisés en bâtiment de la Compagnie des Indes occidentales. Te sortir de cette geôle est impossible. Mais sur l’estrade…
    — Quels sont vos plans ? demanda Corneille, en reconnaissant bien là la Mary Read qu’il aimait.
    — Garde ce poignard dans ta manche, on ne te fouillera pas. Le moment venu, tu trancheras tes liens. Nous ferons diversion sur la place. Un cheval t’attendra juste derrière le gibet. Tu n’auras qu’à l’enfourcher. Je serai là, tout prêt. Junior aussi. Guette le signal pour agir.
    — Quel sera-t-il ?
    — Celui que tu m’as appris, dit-elle en cherchant ses lèvres.
    — Ça suffit, les tourtereaux, les interrompit le gardien en ouvrant la porte. Dis-lui adieu, ma belle.
    Ils se contentèrent d’un regard plus complice que jamais.
     
    On se bousculait sur la place de Kingston. Chaque exécution attirait la même foule. On se régalait de ces nuques qui se brisaient comme d’une récréation. Sinistre, le bourreau attendait la charrette qui devait lui amener le condamné.
    Mary savait qu’ils ne pourraient agir avant que Corneille monte à la potence. Les gardes qui l’accompagnaient étaient nombreux, et surveillaient étroitement les alentours. Ils avaient ordre

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