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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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robe. Elle blêmit aussitôt. Ann jubila.
    — Voyez dans quel état vos privations me mettent. J’exige que mon père en soit informé ! J’exige de sortir d’ici.
    — Je vois en effet, constata l’abbesse, le regard noir. Regagnez votre cellule, et soyez sans crainte, ma fille. Je vais avertir votre père sur-le-champ de l’ampleur de vos péchés.
    Ann sortit du bureau, victorieuse, sans se poser d’autres questions. Dans ce couvent, le moindre sourire était un péché. Alors son insubordination !
    Deux semaines passèrent pourtant sans qu’elle eût des nouvelles de cette affaire. Elle s’apprêtait à s’en plaindre de nouveau lorsque, par une des fenêtres au-dessus du cloître, elle aperçut son père qui sortait de chez l’abbesse. Délaissant l’ouvrage qu’on lui avait confié, elle releva ses jupes pour descendre l’escalier en toute hâte.
    — Père ! hurla-t-elle en parvenant dans la cour, essoufflée, le voyant sur le point de franchir le portail d’enceinte.
    Il pivota dans sa direction et elle força l’allure pour le rejoindre. Se détournant d’elle aussitôt, William Cormac passa le portail et Ann s’immobilisa au milieu de l’allée, désappointée et vexée. Elle courut s’enfermer dans sa cellule, ruminant sa rage, refusant de pleurer. Elle n’eut cependant pas à se morfondre longtemps. Moins d’une heure plus tard, deux nonnes s’y présentaient.
    — Une voiture vous attend pour vous emmener, déclara l’une d’elles, qu’Ann détestait.
    Elle rapportait systématiquement à l’abbesse tout ce que les sœurs faisaient ou disaient.
    — Le temps de rassembler mes affaires.
    — C’est inutile, venez, lui intima-t-elle.
    Ann jubila. Son père avait cédé. A l’exception de ce pendentif, elle n’avait de toute façon pas grand-chose à prendre. Tout ce qu’elle avait amené lui avait été confisqué à son arrivée.
     
    — Où est mon père ? demanda-t-elle à l’homme qui lui ouvrit la porte de la voiture.
    Elle le connaissait bien. C’était l’intendant de la propriété des Cormac.
    — Il a dû regagner Charleston, mademoiselle Ann, pressé par une affaire. Montez.
    Elle ne se fit pas prier, s’étonnant un instant de l’individu qui se trouvait déjà dans la voiture, discret et somnolent. Mais, toute à sa joie de sa liberté reconquise, elle se détourna de lui pour questionner M. Blood. Il lui raconta tout : la bonne marche des affaires, le poulain qui était né…
    Lorsque la voiture s’immobilisa, Ann fut peu surprise d’avoir fait si court trajet, certaine de n’avoir pas vu le temps passer.
    Elle bondit à peine le cocher eut-il ouvert la porte et se glaça aussitôt de l’endroit où elle se trouvait. Avant qu’elle se retourne vers M. Blood pour lui demander des explications, l’homme de main lui empoigna le bras sans ménagement.
    — Avance, ordonna-t-il.
    Le cœur d’Ann se mit à battre plus fort.
    — Que voulez-vous ? Monsieur Blood ! hurla-t-elle en tournant la tête, s’agitant pour se libérer.
    L’homme de confiance de son père se rencogna dans l’ombre de la voiture, et Ann sentit une panique incontrôlable la gagner. Elle tenta de se dégager, refusant de se laisser entraîner vers cette bâtisse de rondins et de fougères devant laquelle, à la lisière d’un champ de tabac, une mulâtresse l’attendait.
    Elle eut beau faire, c’est juchée sur les épaules du colosse qu’on la força à y entrer.

27
     
     
    M ary essuya ses mains à son pantalon puis dégagea son poignard de sa ceinture. Elle soupira en entaillant sa paume calleuse. L’écharde qui s’y était logée en jaillit aussitôt. Une de plus, songea-t-elle, mais cela en valait la peine. Elle était fière du résultat. Cela faisait quatre mois maintenant qu’avec Junior et huit matelots elle s’activait à remettre en état le Bay Daniel. Elle n’avait trouvé que cette solution pour combattre leur peine.
    Junior avait tenu à coudre lui-même le linceul de Corneille sitôt qu’ils avaient été en mer. Au large de Port-Royal, avant de refermer la toile, entouré par Duncan et son équipage, il avait introduit la carte du trésor dans le gilet du défunt. Mary avait serré ses poings. Elle savait ce que cela signifiait. Junior avait renoncé à ses rêves. A son enfance.
    Le corps avait glissé sur la planche, mais aucun son de violon ne l’avait accompagné. Junior, muet, était aussitôt monté dans les perroquets pour

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