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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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leurs navires s’est échoué sur le sable et ils ont dû le renflouer en le remorquant. Ils ont abandonné leur poursuite. C’était trop risqué pour eux.
    Mary se dressa d’un bond.
    — Moi, j’aurais continué, fulmina-t-elle. Je les aurais délivrés, escadre au pas !
    — Ils étaient six bâtiments, Mary. Même toi, tu aurais plié devant l’évidence.
    Mary bondit et envoya son verre s’écraser contre le mur. Elle redressa le front, les yeux emplis de rage.
    — C’est là où tu te trompes, grinça-t-elle. C’est là ma différence avec vous tous, chiens galeux ! Moi, j’aurais préféré en crever le sabre au poing, plutôt que de les leur laisser !
    Tous baissèrent la tête, piteux malgré leur grande fierté. Mary envoya de même voler la chaise à travers la salle. Un des matelots attablé s’écarta pour éviter d’en être fauché en pleine poitrine.
    — Vous ne méritez rien de plus que la potence ! gueula-t-elle sans pouvoir se calmer. Tous ! Bougez vos culs, cornes du diable ! Bougez vos culs et ramenez-le-moi, vous m’entendez !
    Barks lui saisit le bras.
    — Assez, Mary ! C’est inutile. Ils ont été emmenés à Kingston pour y être jugés.
    — Allez au diable, tous !
    Junior tenta de l’apaiser en la prenant dans ses bras. Elle le repoussa violemment, empoigna une bouteille sur une table et enjamba les marches de l’escalier, laissant son fils bouleversé et désemparé.
    — Elle est d’autant plus vulnérable et incompréhensible qu’elle est faible, le réconforta Barks en lui tapotant l’épaule. Je suis navré, Junior. Nous avons fait tout ce que nous pouvions faire.
    — Je le sais, Barks. Et le Bay Daniel  ?
    — Nous l’avons finalement retrouvé et remorqué. Viens, lui dit Duncan. Tu ne peux aider Mary pour l’instant. Tu comprendras mieux en voyant les dégâts qu’ils lui ont occasionnés.
    Junior hocha la tête et quitta l’auberge entre eux. Il venait une nouvelle fois de perdre un père. Mais, cette fois, sa mère n’avait pas eu envie de le consoler.
     
    Mary trompa sa rage en vidant la bouteille de rhum, qu’elle tenait par le goulot. De l’autre main, elle s’appuyait au chambranle de la fenêtre. Au loin, dans le port, au milieu d’autres, elle venait de deviner le Bay Daniel déchiré par l’assaut. Elle avait été injuste envers Barks et Duncan, injuste envers les pirates attablés, injuste envers Junior. Un vertige la saisit, mais elle le brava debout.
    C’était le moins qu’elle puisse faire pour leur rendre hommage. A tous ceux qui étaient perdus, à tous ceux qui seraient pendus haut et court dès que l’accusation de piraterie tomberait. Ils étaient sa famille. Sa seule et unique famille. Elle les revoyait tous un par un. Douglas, Benoît, les frères Raymond, Jambe-Torte, la Tenaille. Elle espérait que Corneille avait succombé l’épée au poing. Elle refusait de l’imaginer se balançant au bout d’une corde. Cette idée lui fut intolérable. Elle avait fini par l’aimer vraiment, son corsaire devenu pirate. Le seul, oui, le seul qui l’ait jamais comprise au point de tout accepter, et même qu’elle puisse se réjouir d’avoir avorté pour ne pas risquer d’aliéner sa liberté. Seul Corneille pouvait tolérer son égoïsme, lui qui pourtant avait plus de fierté que tous les autres.
    Elle lui devait tout. Et plus encore. Grâce à lui, elle savait maintenant qui elle était.
    Un sanglot monta, qu’elle fit taire d’une nouvelle goulée. Plus de larmes. Jamais. Sa vie en avait trop été remplie. Tous les pirates courtisaient la mort. Tôt ou tard Corneille, Junior ou elle auraient péri. Cela faisait partie de la règle du jeu. Mary se sentait coupable. Coupable de ne pas avoir été sur le Bay Daniel avec Junior. Coupable d’avoir conseillé à Corneille d’appareiller plutôt que de se morfondre. Avec eux à son bord, il ne se serait pas attaqué à proie aussi grosse. Elle le savait. Il n’aurait pas risqué leur vie pour satisfaire son orgueil. L’équipage non plus. Elle était leur garde-fou, leur bonne étoile. Acceptant sa faiblesse, elle avait cessé de briller, preuve que Mary Read ne pouvait pas, n’avait pas le droit de se laisser abattre et de se soumettre comme elle l’avait fait.
    Elle termina la bouteille de rhum à grandes lampées. Une chaleur intense réchauffa son corps glacé.
    Un instant, les visages de Niklaus et de Baletti dansèrent devant ses yeux. Il lui

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