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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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à la porte pour la lui ouvrir avec servilité.

28
     
     
    L ’office de none avait réuni toutes les moniales.
    Ann s’était arrangée pour arriver en retard à la procession, comme les jours précédents. Elle s’excusa auprès de sœur Elisabeth d’un regard craintif. Cette commère ne tarderait pas à en référer à l’abbesse, mais Ann s’en moquait. Ce qui l’importait était d’entrer la dernière dans le chœur pour pouvoir se placer non loin de la porte, en retrait.
    Personne ne s’en inquiéta puisqu’elle en avait pris l’habitude. Sa mine contrite suffisait à convaincre de sa soumission. Elle savait très exactement ce qu’elle devait faire. Elle disposait de peu de temps pour déjouer l’attention de l’abbesse, mais elle refusait d’attendre encore.
    La veille, celle-ci lui avait annoncé que son père la rappelait auprès de lui pour la marier. Les noces seraient discrètes et prévues pour le 15 suivant. Cela lui laissait dix jours à peine avant de se retrouver dans le lit d’un époux dont elle ignorait tout, l’abbesse n’ayant pas jugé bon de lui en révéler seulement le nom. Il était hors de question qu’elle s’y soumette. Pour comble, Emma de Mortefontaine était venue lui rendre visite le matin même. Ann avait refusé de la voir, se prétendant souffrante. Elle n’avait aucune envie de l’écouter lui vanter les mérites du mariage et du dévouement.
    Ce soir, elle serait libre.
    Le cœur battant, elle fit mine de s’agenouiller en prière comme les autres. Cet acte de contrition prenait de longues minutes. Elle les avait comptées, de même que les pas du cheval et le temps de chargement des tonneaux dans la charrette.
    Les battements du cœur désordonnés, elle recommença son comptage, puis recula jusqu’à la porte, qu’elle avait laissée entrebâillée, et s’y glissa sans bruit.
    À peine fut-elle dehors qu’elle retira ses souliers, tout en continuant de compter pour ne pas se laisser surprendre. Elle se faufila jusqu’aux cuisines sans y croiser âme qui vive. Tous se trouvaient à la messe.
    Tous, à l’exception du négociant qui venait reprendre les futailles vides afin de les remplacer. Elle attendit qu’il s’active au chargement d’un tonneau avec son apprenti pour se glisser dans la pièce, et soulever un couvercle. Elle achevait de le rabattre sur sa tête lorsque les deux hommes entrèrent.
    — Plus que ces deux-là et ce sera terminé, entendit-elle.
    Cessant de compter, Ann se mit à prier. Elle sursauta du coup donné sur le couvercle pour l’enfoncer complètement. De même, elle étouffa un cri en touchant terre. Malgré la position qu’elle avait prise pour se protéger, elle se cogna le front contre le bois.
    L’autre tonneau fut de même renversé et Ann roula jusqu’à la charrette, meurtrie par les soubresauts que les graviers imposaient à la barrique.
    Les deux hommes la poussèrent sur le plan incliné puis le tonneau s’immobilisa. Si tout se passait comme d’ordinaire, ils n’attendraient pas la fin de l’office pour s’en aller. Ann retint son souffle. Elle se fit violence, se disant que la première réaction de l’abbesse serait de la chercher dans le couvent et non dans les barriques, mais elle était plus angoissée de seconde en seconde. Quand la charrette s’ébranla, elle s’apaisa à peine. Ce ne fut que lorsqu’elle entendit les portes du couvent s’ouvrir puis se refermer qu’elle soupira de soulagement. La charrette prit son allure et Ann abandonna enfin sa nuque contre le tonnelet sans cesser de serrer le pendentif d’émeraude entre ses doigts.
    Une heure plus tard, ils se trouvaient en plein cœur de Charleston. D’après ce qu’elle avait entendu du discours des deux hommes juste avant qu’elle entre dans le chœur, les barriques devaient être déchargées dans plusieurs auberges qui les avaient rachetées pour stocker leur vinaigre.
    Il lui tardait d’en sortir. Les relents de vinasse dont le bois était imprégné lui donnaient la nausée. Le même roulis reprit. Cette fois, la tête lui tourna et elle dut se rendre à l’évidence qu’elle était ivre. Cela la fit sourire, avant de lui faire plaquer sa main sur sa bouche pour étouffer un haut-le-cœur.
    — Holà, l’aubergiste ! perçut-elle depuis sa cache.
    — Salut à toi, mon compère ! Descends-les à la cave, tu connais le chemin.
    — Si tu ne m’en vois pas revenir, c’est que j’aurai roulé de même, mais

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