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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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regard supérieur.
    — Ta fortune et ta soumission, contre l’endroit où Ann est cachée.
    Un sanglot ravageur s’empara d’Emma de Mortefontaine. Elle empoigna un vase garni de roses rouges qui était sur son chevet et l’envoya à la face de son valet. Il s’écrasa contre le chambranle de la porte tandis que le rire démoniaque de Gabriel s’éloignait.
    Deux jours plus tard, vaincue, elle s’arquait sous son joug, plus démunie qu’elle ne l’avait jamais été, et jouissait de n’être plus rien. Plus rien pour pouvoir la rechercher, elle. Ann Cormac.
     
    *
     
    Ann s’était résignée. Tout du moins en apparence. Elle courbait la tête, ne répondait plus, chantait, priait, expiait, brodait, quand et comme on le lui demandait. La mère supérieure l’avait reçue dans son bureau et l’avait félicitée de sa soumission :
    — Je vois, ma fille, que vous avez enfin trouvé la paix et j’en suis heureuse. Vous en recevrez la grâce que vous en attendez.
    — Merci, ma mère, de votre patience et de votre bonté, avait-elle salué l’abbesse, avec plus d’envie de la tuer que de l’embrasser.
    Elle avait pourtant teinté son regard d’une foi exemplaire, sachant que c’était à présent le seul moyen qui lui restait pour détourner d’elle la surveillance dont on la couvrait. Trois mois durant, elle s’appliqua donc à la satisfaire.
    Lorsqu’elle vit Emma de Mortefontaine sortir de ce même bureau, l’air furieux, elle se renfonça dans l’ombre d’une fenêtre. Par réflexe. L’abbesse avait dû lui refuser la visite qu’elle souhaitait. Ann en avait été ravie sans pouvoir se l’expliquer. Depuis l’avortement, elle n’était plus tout à fait la même. Elle n’avait pas réussi à mettre un visage ou un souvenir sur ce nom qu’elle avait prononcé. Junior avait gardé son secret, mais l’envie de fuir la tenait tout entière. Fuir William Cormac. Fuir Charleston. Fuir Emma de Mortefontaine. Fuir tout ce qui de près ou de loin la renvoyait à son passé. Elle ne pardonnerait pas à son père le mal qu’il lui avait fait. Et elle avait bien sa petite idée, à la fois pour se venger et pour se sevrer de son autorité.
    Tout en s’abandonnant avec complaisance à la vie monastique, elle s’intéressa de près à ce qui en organisait le quotidien : aux allées et venues des charrettes chargées de ravitailler le couvent, à leurs horaires et jours de livraison, à l’allure des marchands. A tout ce qui pouvait lui servir pour mener son projet à terme.
    Et, tandis qu’elle mêlait sa voix au chœur des moniales, elle songeait à cet océan dont elle rêvait souvent. Plus encore qu’avant il était pour elle synonyme de liberté.
     
    *
     
    — Je n’en suis pas responsable, Emma, ricana Gabriel, comme celle-ci venait de se plaindre de n’avoir pas pu approcher Ann. Je t’ai offert sa cache, pas le moyen de l’en sortir.
    — Je te hais, jeta-t-elle en se dressant contre lui.
    Il la cueillit d’un bras vengeur, et l’embrassa avec fougue.
    — Ne pérore pas trop, dit-il, ou je pourrais te faire chasser d’ici.
    — Je te tuerais si tu le faisais.
    — Cela ne te rendrait pas tes biens pour autant, ma belle. Nous ne sommes pas mariés. Je te consens le privilège de continuer à tenir ton rang. Tous ignorent que je suis désormais ton maître. Mais je n’aurai aucun scrupule à cesser de jouer les valets.
    — Très bien, soupira-t-elle. Que me suggères-tu puisque tu te targues de décider à ma place ?
    — De menacer Cormac pour obtenir l’autorisation de rendre visite à sa fille.
    — Il me la refusera.
    — Tu sauras bien le convaincre dès lors qu’il sera certain que tu l’as retrouvée.
    Elle hocha la tête. Le simple fait d’avoir pu approcher Ann, même sans la voir, lui avait fait du bien. Etonnamment, sa situation précaire aussi. En lui prenant tout et en malmenant son orgueil, Gabriel lui avait redonné le goût de la conquête qu’elle avait cru perdu. Elle avait encore des arguments pour se refaire si son homme de main décidait vraiment de se lasser d’elle. Mais elle n’y croyait pas.
    Quoi qu’il en prétende, elle était certaine qu’il aimait le pouvoir et la fascination qu’il exerçait. Elle s’écarta de lui à regret.
    — Peux-tu me conduire chez Cormac ? demanda-t-elle, là où il n’y a pas si longtemps elle aurait ordonné.
    — Tu commences à comprendre, on dirait, répliqua Gabriel en la devançant

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