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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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retourner à New Providence, plus revoir James Bonny. Elle ne lui en voulait pas de s’acharner ainsi contre elle, l’injuriant et la couvrant de reproches. Tout était vrai. Elle l’avait choisi, chéri et respecté jusqu’à ce qu’il cesse de se respecter lui-même, mais pas aimé. Elle se retourna pour admirer son capitaine occupé à barrer. Pour lui, elle était prête à tout. Y compris à tuer.
    — Retournons à la piraterie, Jack, avait-elle demandé un jour.
    — Ton mari nous fera pendre.
    — Mais tu ne supportes plus ses ordres. Et moi non plus, avait-elle insisté. Je préfère la mort plutôt que d’être encore contrainte.
    Rackham avait cédé. Fou d’elle, de ce ventre qui s’arrondissait. Ils avaient changé de territoire pour éviter la répression du gouverneur. Elle avait été terrible à New Providence, dès lors qu’il s’y était installé. De nombreux pirates avaient refusé l’amendement, jugeant les conditions imposées par le roi inacceptables. Leur reddition les reléguait à l’état de mendiants. Ceux qui s’y étaient opposés farouchement, comme Vane, avaient été impitoyablement traqués et pendus.
    La terreur régnait sur l’archipel des Bahamas. Fort de l’importance que lui donnait la présence de Woodes Rogers, Bonny multipliait ses attaques contre Rackham, le poussant à la faute en exigeant des prises plus importantes, sur lesquelles le gouverneur prenait les trois quarts. Ann était persuadée qu’il avait réussi à rallier celui-ci à sa cause contre elle. C’était de bonne guerre. Elle serait capable d’autant d’acharnement si une autre tentait de lui prendre Rackham.
    Ici, sur l’océan, elle se sentait enfin à sa place. Les mots « trésor », « butin » et « pirates » chantaient dans sa tête et l’excitaient puissamment. Elle voulait vivre l’instant, auprès de son capitaine. Même si elle avait eu du mal à le convaincre de l’embarquer.
     
    — Voile à bâbord, capitaine. C’est un navire de la compagnie, indiqua la vigie.
    Ann rejoignit Rackham en quelques enjambées. Fertherston, le second, Richard Corner, le quartier-maître, et John Davis, le maître, étaient déjà occupés à le scruter.
    — On va le prendre ? demanda Ann, le cœur battant.
    — Ça se pourrait, lâcha Rackham, furieux encore de s’être fait rouler par sa belle devant son équipage.
    Il serra plus fort les dents sur sa chique. Il ne voulait pas risquer un autre esclandre devant ses hommes, mais comptait bien la tenir à l’écart de l’abordage. Ce n’était pas la place d’une femme. Même si cette Mary Read, l’année précédente, lui avait prouvé le contraire. Cette bougresse était exceptionnelle. Ann voulait se donner des airs pour demeurer à ses côtés. Il grimaça en revoyant ces images. Il faut dire qu’elle avait fait ce qu’il fallait !
    — Votre avis, messieurs ? interrogea Rackham.
    Il avait déjà des fourmillements dans les doigts. Leur séjour à terre s’était éternisé et ses hommes rêvaient d’une prise. Ne voulant pourtant pas reproduire les erreurs de Vane, il avait pris l’habitude de soumettre chaque décision au vote.
    — Je sens déjà le parfum de ses épices, répondit Davis, en se pourléchant les babines.
    — Et moi, celui de son rhum.
    Les yeux d’Ann se mirent à briller.
    « Toi, ma belle, pensa Rackham, je vais te montrer qui est le maître à bord. »
    — Viens, lui dit-il, abandonnant la barre à Fertherston.
    Ann le suivit sans discuter. Il la fit entrer dans sa cabine et l’embrassa goulûment.
    — C’est l’idée d’un abordage qui t’excite, Rackham ?
    — Doit y avoir de ça.
    — Moi aussi, cela m’excite, avoua-t-elle. Il y a trop longtemps que j’attends d’y participer. Plus de gros ventre pour m’en empêcher. Je suis prête, assura-t-elle en cherchant ses lèvres.
    Rackham fit glisser ses mains sur ses hanches.
    La voix de Davis en interrompit la course.
    — Pouvez-vous venir, capitaine ?
    — J’arrive.
    Anne soupira, prête déjà à lui emboîter le pas.
    — Attends-moi, lui dit-il. Le temps de donner mes ordres. J’ai envie de toi. Maintenant.
    Elle hocha la tête. L’œil de Rackham était brûlant. L’idée de l’amour avant la bataille la mettait en émoi. Il referma la porte derrière lui. C’est en entendant la clé jouer dans la serrure qu’elle comprit. Elle se précipita pour y tambouriner. Seul le rire gras des hommes lui

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