La parade des ombres
cela cachait souvent un danger. Elle se tenait sur ses gardes et avait recommandé la prudence à chacun, un chandelier dans une main, le pistolet dans l’autre.
Baletti tourna la poignée d’une porte, l’ouvrit délicatement. De concert, ils s’avancèrent jusqu’aux baldaquins, chacun d’un côté du lit, puis en écartèrent les rideaux d’un mouvement sec.
Il était vide et fait. Ils sortirent et passèrent à la pièce suivante. Ils fouillèrent ainsi toutes les pièces, dépités de ne trouver personne, lorsqu’un cri retentit. Ils se précipitèrent pour découvrir une servante que James venait de bâillonner d’une main, la menaçant de son pistolet de l’autre.
— Tout doux, lui dit-il, nous ne te voulons pas de mal. Tout doux, répéta-t-il en écartant ses doigts du visage terrorisé.
Mary s’approcha du lit. La femme tremblait dans son vêtement de nuit.
— Où se cache ta patronne ?
La malheureuse claquait tant des dents qu’elle hoqueta sans pouvoir répondre. James écarta son pistolet et le remit à sa ceinture, puis s’assit à son chevet.
— Calme-toi, lui demanda-t-il d’une voix douce. Tu ne crains rien, tu as ma parole.
Mais la carrure du géant n’était pas faite pour rassurer. La fille parvint pourtant à articuler, voyant qu’on ne la bousculait pas :
— À Cuba. Madame est partie inspecter sa plantation de La Havane. Cela fait plusieurs mois déjà.
— Quand revient-elle ? demanda Baletti, demeuré en retrait pour ne pas l’effrayer davantage avec son allure monstrueuse.
— Je l’ignore. Madame ne l’a pas précisé.
— Où garde-t-elle ses objets de valeur ? insista Baletti.
— Dans un coffre de son cabinet. Je n’en ai pas la clé. Elle seule la possède.
— Nous nous débrouillerons, assura Baletti. James, garde un œil sur elle.
Il tourna les talons avant que celui-ci ait acquiescé. Mary continua d’interroger la servante. Elle avait besoin d’en apprendre davantage sur les habitudes d’Emma, afin de pouvoir mieux la traquer. La domestique se laissa aller aux confidences sans trop se faire prier.
Elle redescendit de l’étage bouleversée. Baletti avait découvert le coffre et achevait de remplir la serrure avec de la poudre. Il y plaça une mèche courte et l’alluma. Une légère détonation retentit. Le marquis força sur la poignée et ouvrit la porte sans difficulté. Le coffre était vaste et empli de documents, de bijoux de toutes sortes et d’or en quantité – pièces et lingots.
— Prenez tout, dit-il, déçu de ne pas y trouver ce qu’il était venu chercher.
Il se retourna pour découvrir Mary pâle et soucieuse.
— Nous la suivrons à Cuba, lâcha-t-il pour tromper leur déception mutuelle.
— Ann est en vie, lui répondit seulement Mary.
— Es-tu sûre de cela ? insista Baletti tandis que trois hommes achevaient d’enfermer dans la cave les domestiques.
De son côté, Vanderluck, avec deux autres, embarquait dans un sac de toile tous les objets de valeur, qu’ils pourraient facilement monnayer.
— Sûre, non. Au dire de sa femme de chambre, Emma était extrêmement perturbée depuis plusieurs mois à cause de la disparition de sa filleule, qu’on a enlevée d’un couvent. Il semble qu’elle ait remué ciel et terre pour la retrouver. Moi non plus, je ne t’ai pas tout dit, marquis, soupira Mary en se plaçant derrière la croisée.
Le calme régnait au-dehors. Les chiens n’aboyaient plus. Les nuages qui voilaient la lune cacheraient leur fuite.
— Emma m’a torturée longtemps, en prison. Elle voulait que je la supplie de me rendre Ann, jurant qu’elle l’avait placée sous la responsabilité d’un couple d’amis, ici, en Caroline-du-Sud. Ma première intention avait été de le vérifier, mais je n’en ai pas trouvé le courage. Je n’ai rien avoué à Junior. Pour qu’il ne souffre pas de nouveau. Le doute est insidieux, marquis. Je n’ai pas cédé à Emma, j’ai refusé de la croire et j’ai préféré devenir pirate plutôt que de devoir faire mon deuil une fois encore.
— Je comprends.
— Le père d’Ann s’appelle William Cormac. Il vit là, tout à côté. Sa femme est morte il y a quelques années. Je ne repartirai pas sans lui avoir parlé, déclara-t-elle d’une voix blanche.
— Je t’accompagne.
— Pas cette fois, marquis. C’est seule que je veux affronter la vérité.
Il baissa le regard, blessé qu’elle le repousse. Il
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