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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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intention immédiate. En fait, je ne t’ai pas encore tout dit concernant Breda.
    Mary soupira et Hans Vanderluck éclata de ce rire tonitruant qui lui froissa le cœur tout en la comblant d’aise. Il avait voulu tout entendre de ce qui était arrivé à Niklaus, à Junior, à Ann, et à elle. Brasser de nouveau ces souvenirs avait été difficile pour Mary. Même après toutes ces années. Elle les avait rangés dans un coin de sa mémoire, mais n’avait rien oublié. En devenant lady pirate, elle s’était empressée de détruire cette vulnérabilité qu’elle détestait. Tout ce qu’elle avait voulu fuir la rattrapait à la vitesse d’un boulet et la fauchait en plein cœur.
    — Persuadé que tu étais à Breda, j’avais décidé de m’installer dans les parages. Tout était possible, poursuivit Baletti, y compris que tu te sois remariée. Je ne voulais rien t’imposer, juste te voir. L’enseigne de l’auberge s’abîmait au bout de ses chaînes, tout était désert, abandonné depuis des années, après avoir connu des propriétaires successifs. Je ne voulais pas que tu la retrouves ainsi.
    — Ne me dis pas que tu es devenu aubergiste ! s’effraya Mary.
    — Non. J’ai seulement racheté l’auberge, y ai placé du personnel et fait réparer ce qui était en ruine. Ensuite, j’ai quitté Breda en exigeant de mes gens qu’ils me préviennent si tu t’y présentais.
    Mary ne sut quoi répondre. L’amour que lui portait Baletti n’avait pas de limites. De jour en jour, elle en découvrait l’immensité. Vanderluck rompit le silence.
    — Le marquis et moi avons sympathisé durant notre transaction. Je lui ai même indiqué le chemin de Breda, sans lui demander ce qu’il y allait faire. Devenir banquier m’a appris la discrétion, ajouta-t-il, comme pour s’en excuser.
    — Le savoir n’aurait rien changé, déclara Baletti. Mais il est heureux que vous vous soyez trouvé à quai aujourd’hui.
    — Plus encore si je peux vous aider, répliqua Hans. James commençait à considérer que la vie d’armateur était bien moins intéressante que celle de corsaire. Il sera ravi de cette occasion.
    — Il est ici ? s’étonna Mary.
    — Pour sûr, c’est mon capitaine, s’esclaffa Hans.
    Il se leva et, en deux enjambées, se retrouva devant la porte qu’il ouvrit à la volée. Faisant fi de toutes les coutumes, Vanderluck lança dans le vent un sifflement strident qui la ramena une fois encore à leur temps dans l’armée du stathouder de Hollande.
    — Oui, père ? entendit-elle presque aussitôt.
    — Tu te souviens de cette femme qui a combattu à mes côtés déguisée en homme, du temps de la guerre, et de ces histoires que je t’ai racontées à son sujet ?
    — Comment les oublier, tu m’en as rebattu les oreilles des années durant ! répliqua ce gaillard dont la voix de stentor trahissait l’impressionnante stature.
    — Entre donc, lui ordonna Vanderluck, guilleret. Le temps est venu de te la présenter.
     
    *
     
    La bâtisse était silencieuse. A l’exception des chiens qui grognèrent à leur approche dans le chenil, tous dormaient à cette heure avancée de la nuit. A plusieurs centaines de mètres de la demeure coloniale, un feu brûlait encore dans le campement des esclaves, montant haut ses flammes dans un ciel noir.
    — James, par la gauche, Hans, par la droite, décida Mary comme ils étaient à quelques marches du perron.
    Ils avaient abandonné leurs montures au portail et avancé discrètement jusqu’à l’orée du jardin, indifférents à la morsure des graviers sous leurs sandales de corde.
    Ils étaient douze – deux qui gardaient les chevaux, six qui encerclaient la demeure et surveillaient les abords, et eux quatre, résolus à forcer portes et fenêtres pour entrer chez Emma de Mortefontaine.
    Baletti et Mary voulaient la surprendre au lit.
    La porte ne leur résista pas, pas davantage que les croisées dont ils brisèrent les vitres d’un coup de cailloux précis. Le bruit ne réveilla pas la maisonnée.
    Mary et Baletti se glissèrent à l’étage tandis que Hans et James, identiques d’allure et de figure, fouillaient le rez-de-chaussée.
    On les avait renseignés très vite à Charleston. Tout le monde connaissait la plantation de Mortefontaine. On avait indiqué sans s’étonner le chemin à Hans, puisqu’il possédait un navire et une cargaison à livrer. Cela avait été facile. Trop facile. Mary savait par expérience que

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