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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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tomber. Or, n’oublie pas, George, je la veux vivante. Je veux la voir me supplier. Rejoins-moi où tu sais.
    — Comptez sur moi, madame, affirma George, tandis que, déjà, Emma de Mortefontaine remontait en voiture.
    Mary profita du mouvement pour glisser ses jambes sur le rebord du fenestron et se laissa choir souplement dans le grenier, le ventre déchiré. Elle était rouge de douleur et de colère. Elle avait refusé d’y penser. Refuser d’en admettre la possibilité. Il lui fallait pourtant se rendre à l’évidence. Cette chienne d’Emma avait supprimé Ann. C’était fini.
    Elle s’assit sur le plancher poussiéreux au milieu des malles et des objets, en proie à une douleur à hurler.
    Elle entoura ses genoux repliés de ses bras et se mit à se bercer lentement, comme un navire en perdition qui rassemble ses dernières forces, son ultime volonté, pour affronter encore la tempête.
    Elle aurait dû se jeter sur Emma du haut de son perchoir. Non. Cela n’aurait servi à rien. D’une telle hauteur, elle n’aurait réussi qu’à se rompre le cou. Au mieux, elle aurait été blessée et capturée. Or plus que jamais elle voulait la voir crever ! Crever à petit feu. Elle se régénéra de l’idée de tous les sévices qu’elle lui ferait endurer, pour le seul plaisir de la voir souffrir encore et encore. Pour ce faire, elle n’avait d’autre solution que d’attendre cachée dans ce grenier. Le jour se lèverait et George rappellerait ses chiens pour se rendre auprès de sa maîtresse. Elle le punirait pour son incapacité. Emma serait furieuse d’avoir de nouveau perdu sa trace. Mary ne la lâcherait pas et, au moment opportun, frapperait sans hésiter.
     
    Elle se concentra sur cette seule idée tout le reste de la nuit.
    Lorsque les premières lueurs du jour apparurent, elle déplia ses jambes endolories et se redressa pour se pencher au fenestron. Il lui suffit d’un coup d’œil pour vérifier ce qu’elle avait pressenti. Les hommes de George avaient déserté leur poste. La rue était calme encore, mais on commençait à s’animer dans Paris. Des coqs chantaient, répondant aux carillons des cloches qui sonnaient la première messe de la journée, comme un écho qui se répercutait de quartier en quartier. Des odeurs de pain cuit et de terre mouillée emplissaient l’air lourd. Des nuages épars avaient versé quelques gouttes sur la ville.
    Mary se dirigea jusqu’à la porte du grenier, en prenant soin de ne pas se cogner à la ferme trop basse. Sur le palier sombre, elle arma son pistolet. Maître Dumas lui apporterait des réponses. Forcément.
    Elle eut beau cependant vérifier chaque pièce, elle dut se rendre à l’évidence. La maison était déserte. Profitant de l’absence de l’ancien procureur, elle décida de fouiller les documents qui jonchaient son bureau. Elle y trouva plusieurs lettres de ce Baletti dont avait parlé George. Elles commençaient toutes par : Mon très cher père.
    Mary les parcourut. Le fils de maître Dumas lui parut fort riche et vraisemblablement bien en cour à Venise. Elle tiqua pourtant. Elle ne pouvait se targuer de tout connaître des grands, mais comment le fils d’un procureur français pouvait-il se prétendre marquis vénitien ? Et d’où provenait cette richesse qu’il distribuait soi-disant aux miséreux ? Mary était prête à en conclure que cet homme était certainement un grand menteur qui vivait de rapines et voulait donner quelque satisfaction et fierté à son vieux père. Elle s’apprêtait à reposer ces lettres avec agacement, lorsque ses yeux accrochèrent le nom d’Emma. Elle s’attarda aussitôt sur ces lignes que l’écriture élégante avait tracées.
    Emma de Mortefontaine ne semble pas pressée de me donner nouvelle de notre affaire. J’imagine qu’elle peine dans ses recherches. Le crâne de cristal me nargue de son secret chaque jour davantage. Cela parfois devient insupportable et si je n’avais autant de raisons de me réjouir de ses bienfaits, j’aurais volontiers offert à Satan l’âme qu’il me vole, pour me délivrer du fardeau qu’il m’a également légué. Ecrivez-moi, si cette Emma vous rendait visite. Le diable est en elle. Mais je n’ai d’autre choix que de pactiser.
    Mary demeura perplexe. S’il était évident que ce Baletti était l’associé d’Emma, le mystère restait toutefois entier. Elle plia la lettre et la fourra à l’intérieur de son gilet. Quel que puisse

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