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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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vous m’ont entendu, compris et écouté. Je n’attends rien en retour. Je fais ce que je dois. Chacun de vous, à sa manière et avec les moyens dont il dispose, peut devenir la clé de voûte d’un édifice tout entier. Croyez-le ! Vous en sortirez grandis et plus forts. Croyez-le et je serai en paix.
    Baletti joignit ses mains et les salua, puis, comme il était venu, il s’éloigna dans un silence religieux qui ressemblait à du respect.
    Ne pouvant le suivre sans se faire remarquer, Mary s’attarda au milieu des autres, puis s’effaça dès qu’elle en eut la possibilité. Elle ne regagna pas le Rialto grâce au souterrain. Elle avait besoin de marcher un peu pour mettre de l’ordre dans ses pensées. Lorsque ce fut nécessaire, elle se laissa mener par les gondoliers. Elle parvint devant la demeure somptueuse du marquis de Baletti largement plus tard que l’heure prévue pour le repas. La nuit était claire et froide, mais elle se sentait emplie d’une chaleur intense. Elle avait abandonné ses vêtements d’homme et repris l’apparence de Maria Contini. Mais Mary Read était bouleversée.
    Baletti ne lui fit aucun reproche.
    — Je suis heureux, lui dit-il seulement, de voir qu’il ne vous est rien arrivé. Je vous ai attendue pour le souper.
    — Il ne fallait pas, marquis.
    — Je n’ai rien à faire d’aussi important que cela, Maria, assura-t-il en souriant.
    Mary leva vers lui un regard empli de douceur.
    — Vous mentez, marquis. Mais votre mensonge me plaît. Infiniment.
    Leurs regards se soudèrent un instant, et le cœur de Mary se mit à battre plus vite et plus fort. Cette fois, elle ne chercha pas à contrer ce désir qui la subjuguait. Il embrasa ses prunelles et elle crut un instant que Baletti succomberait au sien. Il se contenta de lui prendre la main et d’y déposer un baiser triste.
    — Pour vous, Maria, je ne veux avoir aucun secret. Soupons, voulez-vous ?
    Elle hocha la tête, tremblante de frustration et d’espoir. Elle s’installa à table et attendit qu’on les ait servis pour avouer :
    — Je vous ai suivi, aujourd’hui.
    Baletti leva vers elle un regard empli de reconnaissance.
    — Je le sais, dit-il simplement.
    Mary demeura sans voix. Baletti lui sourit.
    — J’avais remarqué hier qu’on me pistait. Je suis très intuitif. Rassurez-vous, je ne vous en veux pas, Maria. Si je n’avais pas espéré votre curiosité, j’aurais refermé l’accès au souterrain. Mieux, j’en aurais pris un autre pour vous égarer. Je ne suis pas ce que je prétends être, mais on ne peut pas, en ce monde, se montrer tel qu’on est.
    — C’est vrai, dit-elle. Vous l’avez affirmé, marquis, la confiance est longue à se mériter.
    — Je ne suis pas pressé. J’espère seulement être digne un jour de la vôtre. Questionnez-moi autant que vous le voudrez, pour vous, je vous le répète, je n’ai rien à cacher.
    — Sauf cette pièce interdite.
    — Le temps viendra. Pour cela aussi. Je vous l’ai promis et je tiens toujours mes promesses.
    — Quand ?
    — Lorsque vous cesserez de douter. Lorsque vous m’aimerez.
    — Et si cela n’arrivait jamais ?
    — Alors rien n’aurait plus de sens, mais je refuse de l’imaginer, répondit-il.
    — Que mettez-vous derrière ce rien, marquis ?
    — La vie, l’amour, l’espoir. La renaissance. Mais changeons de sujet, voulez-vous ? Je veux vous parler de ce que je suis, pas de mes blessures, pas de ce que j’ai été.
    — Voilà donc un nouveau mystère.
    — Tant que vous aurez envie de les percer, vous resterez. Voyez, Maria, comme tout est illusion. Vous m’avez vu généreux, je me montre égoïste à présent. Nous sommes double en permanence. Et, paradoxalement, c’est dans cette dualité que nous sommes le plus seul.
    — Et Cork ? C’est lui qui vous a parlé de Mary Read, n’est-ce pas ?
    — En effet. Il s’est rapproché de vous à votre arrivée à Venise, étonné de vous deviner femme dans des vêtements d’homme. Il aurait dû vous diriger vers cet asile que vous avez vu, il a préféré vous garder pour lui seul, espérant que vous vous confieriez à lui. Il vous aimait bien et m’a demandé de vous tirer des griffes de Boldoni dans lesquelles vous vous abîmiez.
    — Pourquoi ?
    — Disons que Giuseppe Boldoni n’est pas non plus celui qu’il prétend être. Demeurer auprès de lui vous aurait tôt ou tard exposée au danger.
    — Est-ce la seule raison,

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