Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
accordait, elle était allée reprendre ses armes et ses vêtements d’homme là où elle les avait cachés.
    Sa déception fut grande. A l’exception de son épée qui était récupérable malgré la rouille, le reste était moisi par l’humidité permanente de Venise. Elle s’était aussitôt rendue chez le banquier pour chercher son pécule, et en avait employé une partie pour acheter un pistolet chez un armurier et un habit de valet chez un tailleur. Une cape sombre avait achevé de la rendre méconnaissable. Le tout reposait dans l’armoire de sa chambre avec l’œil de jade qu’elle ne pouvait prendre le risque de remettre à son cou. Elle avait beau se rassurer de la présence de ses armes, s’appliquer à rendre son tranchant à son épée, quelque chose en elle avait changé. Comment, pourquoi, elle n’aurait su le dire.
    Elle désirait toujours se venger d’Emma. Plus que jamais. Mais Baletti ne ressemblait pas à Emma.
    Elle découvrait en lui un être hors norme, plus fascinant de jour en jour. Il peignait à merveille, chantait de légères barcarolles qu’il écrivait et composait, jouait divinement du clavecin, de la mandoline et du violon, étourdissait par ses connaissances dans de multiples domaines : botanique, géographie, histoire, politique, alchimie, astrologie, littérature… Il n’était pas une question à laquelle il n’apportât de réponse, l’agrémentant d’une multitude d’anecdotes truculentes.
    Il possédait un remarquable talent de conteur, enjolivant ses histoires de détails personnels, comme s’il les avait lui-même vécues, qu’elles datent du temps d’Alexandre le Grand ou de la semaine précédente. Répondant à ceux qui s’en étonnaient : « Il est facile de raconter ce dont on se souvient ! »
    Même Mary, parfois, parvenait à douter qu’il n’y ait pas une part d’immortalité dans cette mémoire prodigieuse. Elle chassait cette invraisemblance, comme tous à Venise.
    Car elle se plaisait chaque instant davantage en sa compagnie. Elle ne regrettait pas Boldoni, croisé à plusieurs reprises dans des soirées. Il avait refusé leur salut avec mépris, s’affichant avec sa nouvelle maîtresse.
    — Cessez de vous en tourmenter, ma chère, lui avait recommandé Baletti. Boldoni est orgueilleux, comme beaucoup d’hommes. Il s’en remettra. Blessure d’amour-propre est longue à guérir mais point incurable.
    Mary n’avait pu qu’approuver, même si elle pensait qu’Emma dérogeait à cette règle. De fait, Baletti lui enseignait mille choses, la forçait à réfléchir au sens donné aux actes, aux événements.
    Plus les semaines passaient et plus elle se demandait comment Baletti avait pu s’associer avec Emma de Mortefontaine. Son scepticisme ne cessait de grandir.
     
    Ce 26 janvier 1702, Mary décacheta fébrilement le courrier qu’elle venait de ramasser dans la demeure abandonnée. Comme chaque semaine, elle s’y rendait dans l’espoir d’une lettre de Forbin, mais aussi dans celui de revoir Cork. Elle se contenta du plaisir de ces nouvelles, tout en regrettant que les cendres fussent désespérément froides dans l’âtre où des araignées avaient tissé leurs toiles.
    Elle s’approcha d’une fenêtre aux volets dégondés. De la lumière s’y infiltrait, suffisante pour qu’elle puisse lire avidement sa missive.
     
    Ma chère Mary, écrivait Forbin. Je suis au mouillage à Brindisi où je viens d’arriver. Me voici de nouveau proche de toi. Si proche que l’envie de te rejoindre à Venise est forte, d’autant que je n’aime pas l’idée de te savoir chez ce marquis. Ses intentions sont forcément douteuses et tu ne dois pas perdre de vue l’essentiel des raisons qui t’ont conduite à Venise.
     
    Mary savait lire entre les lignes. Elle avait certainement montré trop d’intérêt pour Baletti dans le courrier qu’elle avait envoyé aux siens. Forbin était jaloux, c’était visible. Il était évident aussi que sa rivalité avec Corneille avait resurgi. Elle réclamait souvent des nouvelles de celui-ci, mais Forbin n’y attachait aucune importance. Il s’étendait sur La Perle, sur Junior, sur lui, et terminait toujours par un « Corneille te salue » qui était sans doute loin de refléter la réalité.
    Elle se replongea dans sa lecture, un sourire aux lèvres.
     
    Junior a encore grandi et, sans exagérer, il paraît bien le double de son âge. Il m’a assuré que Niklaus était un géant et je

Weitere Kostenlose Bücher