Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
ne suis pas loin de le croire à le voir ainsi pousser. Il en parle peu, pas davantage d’Ann, et se montre espiègle, rieur et débrouillard. Il ne se passe pas un jour où je ne remercie notre amitié d’avoir permis qu’il soit à mes côtés. Moi qui ne me suis jamais imaginé père, je dois reconnaître que depuis une année qu’il se trouve là, dans mes jambes, comme un boulet que j’avais craint de traîner, j’ai ressenti plus de joie que je n’en avais eu jusque-là à naviguer. Je n’ai pas la prétention de vouloir remplacer Niklaus dans le cœur de ton fils, mais il remplace, lui, cet enfant que je n’aurai jamais.
     
    Mary leva encore les yeux, assaillie par le visage de son Flamand. Junior lui ressemblerait certainement presque trait pour trait. Son défunt époux lui manquait moins, même si parfois elle s’éveillait en sursaut et tendait son bras en travers du lit pour le chercher. Cela restait une déchirure. Mais elle l’écartelait de moins en moins souvent. Elle soupira. Il ne fallait pas être devin pour imaginer ce que Forbin ne disait pas. Il n’avait qu’une envie, la garder à ses côtés. Elle aurait dû s’en réjouir tant elle l’avait espéré autrefois. Elle le soupçonna d’être prêt à tout pour y parvenir, et surtout à évincer Corneille. Mary avait beau donner à Forbin le sentiment de ne pas s’en inquiéter pour ne pas envenimer les relations entre les deux hommes, elle se doutait bien que Corneille avait dû lui écrire, mais que Forbin avait intercepté son courrier. Lorsque tout cela serait terminé, et qu’elle reviendrait reprendre son fils, tous trois s’expliqueraient.
    Mary poursuivit sa lecture.
     
    J’ai dû abandonner La Perle à Toulon. Elle avait été trop abîmée par une tempête. J’aurais dû t’en parler, te dire que j’y avais laissé quelques hommes, mais tu te serais peut-être inquiétée de ton fils et il a refusé qu’on te fasse part de son poignet foulé. U est courageux et tenace, et sera sans exagérer le meilleur de mes gabiers dans quelques années.
    Mary hocha la tête. Ce qu’elle pensait ne cessait de se confirmer…
     
    Nous croisons donc sur La Galatée, un vaisseau de vingt-six canons, lourd et désagréable à manier. J’avais pris, je pense, des habitudes de prince avec La Perle et n’espère qu’une chose, qu’on me l’envoie sitôt qu’elle sera réparée. Mes ordres pour l’heure sont seulement de contrôler les navires. Junior demeure en sécurité. Veille sur la tienne. Au risque de me répéter, je te recommande la prudence avec ce Baletti. Les Italiens promettent beaucoup mais ne tiennent jamais. Tôt ou tard sa vraie nature rejaillira et tu te féliciteras de n’avoir pas cédé.
    Il nous reste à t’embrasser, Junior et moi, quant à Corneille…
     
    Mary plia la lettre et la glissa sur son cœur, sous ses vêtements de valet. Elle quitta la demeure et se posta dans un renfoncement du mur, sur le passage qu’empruntait Baletti pour se rendre au port. Cela faisait deux jours qu’elle perdait sa trace devant une maison, aussi délabrée de façade que celle qu’elle venait de quitter. Baletti y entrait et n’en ressortait qu’au soir. Aucune lumière ne perçait les volets. Cette fois, sa curiosité serait satisfaite.
    Comme la veille, elle le vit se glisser dans le jardin, déverrouiller la porte et entrer. Elle avait pris soin de se préparer un accès par la cave et y atterrit souplement, à peine Baletti fut-il dans la place. Mary n’eut pas à attendre longtemps pour vérifier ce dont elle se doutait. Le marquis descendit l’escalier, un chandelier à la main, pour gagner la salle voûtée et humide dans laquelle elle s’était prestement cachée. De l’eau verdâtre et moussue pénétrait les semelles de ses bottes, mais elle ne bougea pas. Baletti ne pouvait pas la deviner. L’ombre tout autant que ce tonneau nauséabond et massif la masquaient. Baletti déclencha un mécanisme sur le mur opposé à sa cachette, faisant pivoter le pan entier. Mary le vit s’enfoncer dans le passage secret puis en ressortir avec des vêtements semblables à ceux des miséreux. Baletti se déshabilla à quelques pas d’elle et s’en couvrit avant de se faufiler de nouveau par l’orifice, le visage masqué.
    Troublée par la vision de sa presque nudité, tout autant que par cette curieuse mascarade, elle attendit quelques secondes, puis se coula dans le passage que Baletti n’avait pas pris

Weitere Kostenlose Bücher