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La parade des ombres

La parade des ombres

Titel: La parade des ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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marquis ?
    Le regard de celui-ci s’embrasa.
    — Non, avoua-t-il. Vous m’avez séduit, Maria.
    — Alors pourquoi vous refusez-vous à m’approcher ? Alors que vous m’avez si cruellement et sensuellement éprouvée.
    — Je vous l’ai dit, je ne suis pas comme les autres. S’il vous faut du temps pour oser m’avouer vos secrets, accordez-moi celui de ne rien brusquer.
    Mary ne répondit pas. Baletti avait raison. La dualité de l’âme renvoyait à la solitude. Le marquis l’avait ébranlée. Mais pouvait-elle pour autant s’abandonner à tout lui révéler ? Dieu ne cohabitait-il pas avec le diable ?
    « Je n’ai d’autre choix que de m’y aliéner », avait écrit Baletti à maître Dumas en parlant d’Emma, qu’il jugeait démoniaque. Il ne se passait pas un soir où elle ne lût et relût cette lettre pour ne pas se laisser aspirer par la délicatesse et la douceur de Baletti. Ami ou ennemi ? Elle ne le savait pas encore. Et cela l’écartelait. Elle se mura dans le silence.
    Baletti le rompit.
    — Nombre de mes navires passent à Brindisi. Si vous le souhaitez, ils pourront vous y déposer.
    Mary blêmit et déglutit.
    — Que dois-je comprendre ?
    — Rien, Maria, lui répondit Baletti dans un sourire triste. Je veux seulement que vous sachiez que vous êtes libre de partir ou de rester. La demeure qui vous a abritée avec Cork m’appartient. J’y suis passé récemment et j’ai découvert que M. de Forbin vous y écrivait. Il m’est égal de savoir pourquoi, du moment que vous ne jugez pas utile de m’en parler.
    — Alors pourquoi me le révéler ? demanda-t-elle, sur la défensive.
    Il se leva et s’inclina devant elle.
    — Je vous l’ai dit. Parce que je ne veux plus rien vous cacher. Je vous prie à présent de m’excuser. Je suis fort las ce soir.
    Mary hocha la tête et le regarda s’éloigner, les épaules voûtées, quand elle le connaissait si droit et fier. Elle lui emboîta le pas, monta l’escalier qui menait à sa chambre. Elle aussi se sentait épuisée. Depuis le palier, elle vit Baletti refermer sur lui la porte interdite. Elle s’engagea dans le corridor et se planta devant, oscillant entre l’envie de tout avouer et celle de se taire, entre l’envie de lui et celle de le repousser, entre la tentation de forcer ce battant et celle de s’en écarter. Elle prêta l’oreille, puis tourna les talons. Derrière la porte, elle aurait juré entendre Baletti pleurer. Mais elle se trompait certainement. Ni Dieu ni diable ne pleuraient jamais.

11
     
     
    F orbin était d’une humeur massacrante en rendant ses papiers au Vénitien qu’il venait d’accoster.
    — Bien évidemment, grinça-t-il, vous n’avez croisé aucun bâtiment de l’Empire.
    — Aucun, monsieur, lui répondit le Vénitien avec un air de défi qui donna à Forbin l’envie de le passer par l’épée.
    — Evidemment non plus, vous ne connaissez pas le capitaine Cork ?
    — Ce pirate ? Dieu me garde de sa route, se signa l’homme.
    Forbin sentit sa fureur redoubler. Il la contint cependant. L’homme se moquait de lui. Son regard, ses traits le trahissaient. Il enrageait de ne pouvoir lui faire ravaler sa prétention dans le gosier. Au lieu de cela, il grinça :
    — C’est bon, vous pouvez aller.
    Le Vénitien ôta son chapeau emplumé et le salua d’une courbette moqueuse. Il se tourna ensuite vers son lieutenant et donna l’ordre d’éloigner son navire de La Galatée. Forbin le regarda virer de bord, les poings crispés.
    — Qu’en pensez-vous, capitaine ? demanda son second.
    — Qu’ils se fichent de nous. Tous autant qu’ils sont ! Nous sommes ici depuis un mois, bonne mère ! Se figurent-ils que je suis aveugle ? Ah !… je donnerais cher pour pouvoir vérifier les cargaisons de ces traîtres.
    — Qu’en pense l’ambassadeur ?
    — M. Hennequin de Charmont m’assure que le traité de neutralité de la République n’a pas été violé, que le doge lui-même s’en est porté garant. En attendant, les ennemis sont ravitaillés en armes et en vivres, c’est un fait. Par qui, sinon par les Vénitiens, tonnerre de Brest !
    — Les pirates. Celui-ci en est un, nous le savons.
    — Mais il est en règle. Et c’est bien ce qui m’enrage. Cela leur permet de nous narguer en toute impunité. Je hais cette frustration !
    Il se détourna de son second pour embrasser du regard le pont supérieur de La Galatée. Tout lui sembla détestable

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