La parfaite Lumiere
étaient en grande partie
posées, Ieyasu commençait à laisser Hidetada exercer son pouvoir légitime.
En lui cédant son autorité, Ieyasu
avait demandé à son fils ce qu’il avait l’intention de faire.
La réponse de Hidetada :
« Je vais construire », passait pour avoir fait au vieux shōgun
un plaisir immense.
Contrairement à Edo, Osaka restait
préoccupé des préparatifs en vue de la bataille finale. D’illustres généraux
conspiraient ; des courriers portaient des messages à des fiefs
sûrs ; des chefs militaires et des rōnins destitués recevaient consolation
et compensation. Les munitions s’accumulaient, les lances se polissaient, les
fossés s’approfondissaient.
De plus en plus de citadins
abandonnaient les villes de l’Ouest pour la florissante cité de l’Est,
changeant souvent de parti car la peur subsistait qu’une victoire des Toyotomi
ne signifiât un retour à la guerre civile chronique.
Pour les daimyōs et les
vassaux de haut rang qui devaient encore décider s’il fallait confier le sort
de leurs enfants et petits-enfants à Edo ou Osaka, l’impressionnant programme
de construction d’Edo constituait un argument en faveur des Tokugawa.
Ce jour-là, comme de nombreux
autres jours, Hidetada se livrait à l’un de ses passe-temps favoris. Vêtu comme
pour une excursion à la campagne, il quitta l’enceinte principale et se rendit
à la colline de Fukiage pour inspecter les travaux de construction.
Vers le moment où le shōgun
et sa suite de ministres, de serviteurs personnels et de prêtres bouddhistes
s’arrêtaient pour se reposer, un incident éclata au bas de la colline de Momiji :
— Arrêtez le coquin !
— Attrapez-le !
Un puisatier courait en cercles,
essayant d’éviter les charpentiers qui le poursuivaient. Il fila comme un
lièvre entre des piles de bois, et se cacha derrière une cabane de plâtriers.
Puis il s’élança vers les échafaudages de la muraille extérieure, et entreprit
de grimper.
En poussant des jurons sonores, deux
des charpentiers grimpèrent après lui et le saisirent par les pieds. Le
puisatier, dont les bras s’agitaient frénétiquement, retomba sur un tas de
copeaux.
Les charpentiers se jetèrent sur
lui, le bourrèrent de coups de pied et de coups de poing. Pour une étrange
raison, il ne cria ni ne tenta de résister mais s’agrippa au sol de toutes ses
forces, comme à son seul espoir.
Le samouraï qui dirigeait les
charpentiers et l’inspecteur des ouvriers accoururent.
— Qu’est-ce qui se passe,
ici ? demanda le samouraï.
— Il a marché sur mon
équerre, ce sale cochon ! pleurnicha un charpentier. L’équerre, c’est
l’âme du charpentier !
— Du calme.
— Qu’est-ce que vous feriez
s’il marchait sur votre sabre ? demanda le charpentier.
— Bon, ça suffit. Le shōgun
se repose là-haut, sur la colline.
Au nom du shōgun, le premier
charpentier se calma, mais un autre homme déclara :
— Il doit aller se laver.
Ensuite, il doit se prosterner devant l’équerre et présenter des excuses !
— Nous nous chargeons de la
punition, dit l’inspecteur. Vous, les gars, retournez au travail.
Il saisit au collet l’homme
prostré, et lui dit :
— ... Lève la tête.
— Oui, monsieur.
— Tu es l’un des puisatiers,
hein ?
— Oui, monsieur.
— Qu’est-ce que tu fais par
ici ? Ce n’est pas ton lieu de travail.
— Il rôdait par ici hier
aussi, dit le charpentier.
— Vraiment ? dit
l’inspecteur en examinant la figure pâle de Matahachi, et en observant que pour
un puisatier il était un peu trop délicat, un peu trop fin.
Il conféra une minute avec le samouraï,
puis emmena Matahachi.
Ce dernier fut mis sous clé dans
un bûcher derrière le bureau de l’inspecteur des ouvriers ; durant les
quelques jours qui suivirent, il n’eut rien d’autre à contempler que du bois de
chauffage, un ou deux sacs de charbon de bois, et des tonneaux pour préparer
des marinades. Redoutant que l’on ne découvrit le complot, il fut bientôt dans
un état d’épouvante.
Ce qui l’amenait au pied de la
colline de Momiji chaque fois qu’il le pouvait au cours de ses périodes de
repos, c’était une complication imprévue. Une bibliothèque devait être
construite, et quand elle le serait on déplacerait le caroubier. Plein de remords,
Matahachi supposait que l’on découvrirait le mousquet, ce qui le lierait
directement au complot. Mais il n’avait pu
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