La parfaite Lumiere
d’épier le dōjō ? Tu m’apportes un cadeau ?
Voyons... des pommes de terre sauvages ?
Il ne taquinait qu’à demi :
les pommes de terre d’Ushinosuke étaient toujours meilleures que celles de
quiconque. Le garçon vivait avec sa mère dans le village de montagne isolé
d’Araki, et venait souvent au château vendre du charbon de bois, de la viande
de sanglier, etc.
— Pas de pommes de terre
aujourd’hui mais j’apporte ceci pour Otsū.
Il tendait un paquet enveloppé
dans de la paille.
— Qu’est-ce que ça peut bien
être... de la rhubarbe ?
— Non, c’est vivant ! A
Tsukigase, il m’arrive d’entendre chanter des rossignols. J’en ai attrapé
un !
— Hum, tu viens toujours par
Tsukigase, n’est-ce pas ?
— Exact. C’est la seule
route.
— Une question : as-tu
vu beaucoup de samouraïs par là récemment ?
— Quelques-uns, oui.
— Qu’est-ce qu’ils y
font ?
— Ils construisent des
cabanes...
— Les as-tu vus élever des
clôtures, ou quelque chose de ce genre ?
— Non.
— Est-ce qu’ils ont abattu
des pruniers ?
— Mon Dieu, en dehors des
cabanes ils ont construit des ponts ; alors, ils ont abattu toutes sortes
d’arbres. Pour faire du feu, aussi.
— Est-ce qu’ils arrêtent les
gens sur la route ?
— Je ne crois pas. Je ne les
ai pas vus le faire.
Sukekurō inclina la
tête :
— J’ai ouï dire que ces
samouraïs sont du fief du seigneur Tōdō, mais je ne sais pas ce
qu’ils font à Tsukigase. Que disent les gens de ton village ?
— Ils disent que ce sont des rōnins
chassés de Nara et d’Uji. Ils n’avaient nulle part où vivre ; alors, ils
sont venus dans les montagnes.
Malgré les propos d’Inshun, Sukekurō
ne trouvait pas déraisonnable cette explication. Ōkubo Nagayasu, le
magistrat de Nara, n’avait pas relâché ses efforts pour débarrasser sa juridiction
des rōnins indigents.
— ... Où donc est Otsū ?
demanda Ushinosuke. Je veux lui donner son cadeau.
Il était toujours impatient de la
voir, mais non pas seulement parce qu’elle lui donnait des bonbons et lui
disait des choses gentilles. Sa beauté avait quelque chose de mystérieux,
d’inhumain. Parfois, il se demandait si elle était femme ou déesse.
— Elle est au château,
j’imagine, répondit Sukekurō.
Puis, regardant vers le jardin, il
dit :
— ... Ah ! il me semble
que tu as de la chance. Ce n’est pas elle, là-bas ?
— Otsū ! appela
d’une voix forte Ushinosuke.
Elle se retourna et sourit. Il
courut vers elle à perdre haleine et lui tendit son paquet.
— ... Regardez ! J’ai
attrapé un rossignol. C’est pour vous.
— Un rossignol ?
Le sourcil froncé, elle ne tendait
pas la main. Ushinosuke eut l’air déçu.
— Il a une belle voix,
dit-il. Vous n’aimeriez donc pas l’entendre ?
— Si, mais seulement s’il est
libre de voler où il veut. Alors, il nous chantera de jolies chansons.
— Vous avez peut-être raison,
dit-il avec une petite moue. Voulez-vous que je le relâche ?
— Je te sais gré de vouloir
me faire un cadeau, mais oui, ça me rendrait plus heureuse que de le garder.
En silence, Ushinosuke ouvrit le
paquet de paille ; comme une flèche, l’oiseau s’envola par-dessus le mur
du château.
— ... Là, tu vois comme il
est content d’être libre, dit Otsū.
— On dit que les rossignols
sont les messagers du printemps, n’est-ce pas ? Quelqu’un va peut-être
vous apporter une bonne nouvelle.
— Un messager, apporter une
nouvelle aussi bienvenue que le retour du printemps ? Il est vrai qu’il y
a quelque chose que je brûle d’entendre.
Otsū se dirigea vers le bois
et le bosquet de bambou, derrière le château ; Ushinosuke lui emboîta le
pas.
— Où allez-vous ?
demanda-t-il.
— Voilà bien longtemps que je
ne suis pas sortie. J’avais l’intention de monter sur la colline, voir les
fleurs de prunier pour me changer les idées.
— Les fleurs de
prunier ? Là-haut, il n’y a pas grand-chose à voir. Vous devriez aller à
Tsukigase.
— Ça me paraît une bonne
idée. C’est loin ?
— Environ trois kilomètres.
Pourquoi n’y allez-vous pas ? J’ai apporté du bois à brûler,
aujourd’hui ; aussi, j’ai le bœuf avec moi.
Ayant rarement quitté le château
de tout l’hiver, Otsū ne fut pas longue à se décider. Sans dire à personne
où elle allait, tous deux descendirent sans se presser jusqu’à la porte
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