La parfaite Lumiere
animal aussi doux ? demanda l’homme en menant le bœuf au
bord de la route et en l’attachant à un arbre.
Il aperçut le sang sur les jambes
de l’animal, et reprit :
— ... Tiens, qu’est-ce que
c’est que ça ? Mais il a été blessé... avec un sabre !
Tandis qu’il examinait la blessure
en grommelant, Kimura Sukekurō fendit la foule et la dispersa.
— N’êtes-vous pas le
serviteur de l’abbé Inshun ? demanda-t-il, hors d’haleine.
— Quelle chance de vous
rencontrer ici, monsieur ! J’ai une lettre pour vous de l’abbé. Si vous
n’y voyez pas d’inconvénient, j’aimerais vous prier de la lire immédiatement.
Il tira la lettre de l’étui, et la
tendit à Sukekurō.
— Pour moi ? demanda Sukekurō,
surpris.
S’étant assuré qu’il n’y avait pas
d’erreur, il ouvrit la lettre et la lut : « En ce qui concerne les
samouraïs de Tsukigase, j’ai, depuis notre conversation d’hier, vérifié qu’ils
n’appartiennent pas au seigneur Tōdō. C’est de la racaille, des rōnins
expulsés des grandes villes, et qui se sont terrés là pour l’hiver. Je
m’empresse de vous informer de cette malheureuse erreur de ma part. »
— ... Merci, dit Sukekurō.
Cela s’accorde avec ce que j’ai appris d’une autre source. Dites à l’abbé que
je suis très soulagé, et que je suppose qu’il en va de même pour lui.
— Pardonnez-moi de vous
remettre cette lettre au milieu de la route. Je transmettrai votre message à
l’abbé. Au revoir.
— Un instant. Depuis combien
de temps êtes-vous au Hōzōin ?
— Peu de temps.
— Comment vous
appelez-vous ?
— Torazō.
— Je me demande... marmonna Sukekurō
en scrutant le visage de l’homme. Seriez-vous par hasard Hamada Toranosuke ?
— Non.
— Je n’ai jamais rencontré
Hamada, mais il y a un homme au château qui affirme que Hamada est maintenant
serviteur d’Inshun.
Torazō, tout rouge, baissa la
voix :
— A vrai dire, je suis
Hamada. Je suis venu au Hōzōin pour des raisons personnelles. Afin
d’éviter un surcroît de honte à mon maître et à moi-même, je voudrais garder
mon identité secrète. Si vous n’y voyez pas d’inconvénient...
— Soyez sans inquiétude. Je
n’avais pas l’intention d’être indiscret.
— Vous avez sûrement entendu
parler de Tadaaki. Le fait qu’il ait abandonné son école et se soit retiré dans
les montagnes était dû à une erreur de ma part. J’ai renoncé à mon rang.
Exécuter des tâches subalternes au temple constituera une bonne discipline. Je
n’ai pas donné mon vrai nom aux prêtres. Tout cela est bien gênant.
— Le résultat du combat de
Tadaaki avec Kojirō n’est pas un secret. Kojirō en a informé tous les
gens qu’il a rencontrés entre Edo et Buzen. Si je comprends bien, vous avez
résolu de venger votre maître.
— Un de ces jours... Au
revoir, monsieur.
Torazō prit congé rapidement,
comme incapable de rester là un instant de plus.
Graine de chanvre
Hyōgō s’inquiétait.
Après s’être rendu chez Otsū, une lettre de Takuan à la main, il l’avait
cherchée dans tout le château, de plus en plus soucieux à mesure que les heures
passaient.
La lettre, datée du dixième mois
de l’année précédente, mais inexplicablement retardée, parlait de l’imminente
nomination de Musashi comme instructeur du shōgun. Takuan demandait qu’Otsū
vînt dans la capitale aussitôt que possible étant donné que Musashi aurait
bientôt besoin d’une maison et de « quelqu’un pour la tenir ». Hyōgō
brûlait d’impatience de voir s’illuminer le visage de la jeune fille.
Ne la trouvant pas, il finit par
aller questionner le garde, à la porte ; on lui répondit que des hommes
étaient partis à sa recherche. Hyōgō poussa un profond soupir en
songeant combien il ressemblait peu à Otsū de plonger son entourage dans
l’inquiétude, de s’éloigner sans prévenir. Elle agissait rarement de manière
impulsive, même dans les plus petites choses.
Toutefois, avant qu’il ne
commençât à envisager le pire, la nouvelle arriva qu’ils étaient de retour, Otsū
avec Sukekurō, Ushinosuke avec les hommes envoyés à Tsukigase. Le jeune garçon,
qui s’excusait auprès de tout le monde pour nul ne savait quoi, avait
manifestement hâte de prendre le large.
— Où donc cours-tu comme
ça ? demanda l’un des serviteurs.
— Il faut que je rentre à
Araki. Sinon, ma mère
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