La parfaite Lumiere
raison de
ces paroles, non plus qu’il ne mentionnait Otsū ni « la musique des
sphères », où il reconnaissait sa flûte. Ils partirent tous ensemble et se
hâtèrent vers la cabane où ils arrivèrent peu après que les premiers rayons du
soleil levant l’eurent touchée. Elle était vide. Au bord de la plaine, il y
avait un seul nuage blanc.
Livre VII LA PARFAITE LUMIERE
Le bœuf emballé
L’ombre de la branche de prunier
projetée sur le plâtre blanc du mur par le pâle soleil était belle, avec une
retenue évocatrice des dessins à l’encre monochrome. C’était le début du
printemps à Koyagyū ; silencieuses, les branches des pruniers
semblaient appeler du geste, vers le sud, les rossignols qui afflueraient
bientôt dans la vallée.
A la différence des oiseaux, les shugyōsha s
qui se présentaient à la porte du château ne connaissaient aucune saison. Ils
affluaient constamment, cherchant ou bien à se faire instruire par Sekishūsai,
ou bien à s’essayer contre lui. La litanie variait peu : « S’il vous
plaît, une simple passe d’armes » ; « je vous en prie, permettez-moi
de le voir » ; « je suis le seul disciple authentique d’untel, qui
enseigne à tel endroit ». Depuis dix ans, les gardes faisaient la même
réponse : en raison de son grand âge, leur maître était dans l’incapacité
de recevoir quiconque. Peu d’hommes d’épée, ou d’apprentis hommes d’épée, se contentaient
de cette réponse. Certains se lançaient dans des diatribes sur la signification
de la vraie Voie, ajoutant qu’il ne devrait y avoir aucune discrimination entre
jeunes et vieux, riches et pauvres, débutants et experts. D’autres se bornaient
à supplier ; d’autres encore essayaient inconsidérément de recourir à la
corruption. Beaucoup s’en allaient en marmonnant des imprécations.
Le grand public eût-il connu la
vérité, à savoir que Sekishūsai était mort à la fin de l’année précédente,
les choses auraient sans doute été grandement simplifiées. Mais on avait décidé
que puisque Munenori ne pouvait quitter Edo avant le quatrième mois, la mort
serait gardée secrète jusqu’à la cérémonie funèbre. L’une des rares personnes,
en dehors du château, à connaître la nouvelle était maintenant assise dans une
salle de réception, et demandait avec une certaine insistance à voir Hyōgō.
Il s’agissait d’Inshun, le vieil
abbé du Hōzōin, qui durant la période de sénilité d’In’ei et après sa
mort avait maintenu la réputation du temple en tant que centre d’arts martiaux.
Beaucoup croyaient même qu’il l’avait accrue. Il avait fait tout son possible
pour conserver les liens étroits qui existaient entre le temple et Koyagyū
depuis l’époque d’In’ei et de Sekishūsai. Il voulait voir Hyōgō,
disait-il, parce qu’il désirait s’entretenir avec lui des arts martiaux. Sukekurō
savait ce qu’il voulait en réalité : faire une passe d’armes avec l’homme
que son grand-père avait en privé considéré comme un meilleur homme d’épée que
lui-même ou Munenori. Bien entendu, Hyōgō ne voulait pas entendre
parler d’un pareil duel qui, d’après lui, ne profiterait à aucune des parties
et était par conséquent dépourvu de sens. Sukekurō certifia à Inshun que
le message avait été transmis.
— Je suis persuadé que Hyōgō
viendrait vous saluer s’il se trouvait en meilleure santé.
— Alors, vous voulez dire
qu’il est toujours enrhumé ?
— Oui ; il semble qu’il
n’arrive pas à guérir.
— Je ne le savais pas d’une
santé aussi fragile.
— Oh ! il ne l’est pas
vraiment, mais il a passé quelque temps à Edo, vous savez, et s’habitue mal à
ces froids hivers de montagne.
Tandis que les deux hommes
bavardaient, un jeune serviteur appelait Otsū dans le jardin de l’enceinte
intérieure. Un shoji s’ouvrit, et elle sortit de l’une des maisons, traînant
dans son sillage une légère vapeur d’encens. Elle était encore en deuil, plus
de cent jours après le décès de Sekishūsai, et son visage avait la
blancheur d’une fleur de poirier.
— Où donc étiez-vous ?
J’ai cherché partout, dit l’enfant.
— J’étais dans la chapelle
bouddhiste.
— Hyōgō vous
demande.
Lorsqu’elle entra chez Hyōgō,
il lui dit :
— Ah ! Otsū, merci
d’être venue. J’aimerais que vous receviez un visiteur de ma
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