La parfaite Lumiere
part.
— Mais bien sûr.
— Il est ici depuis un bon
moment. Sukekurō est allé lui tenir compagnie ; mais écouter ses
discours intarissables sur l’Art de la guerre doit avoir épuisé Sukekurō.
— L’abbé du Hōzōin ?
— Tout juste.
Otsū esquissa un sourire,
s’inclina et sortit.
Cependant, Inshun interrogeait
sans trop de subtilité Sukekurō sur le passé et le caractère de Hyōgō.
— L’on me dit que lorsque
Katō Kiyomasa lui a offert un poste, Sekishūsai a refusé d’y
consentir à moins que Kiyomasa n’acceptât une condition insolite.
— Vraiment ? Je ne me
souviens pas d’avoir jamais entendu pareille chose.
— D’après In’ei, Sekishūsai
dit à Kiyomasa qu’étant donné l’extrême irritabilité de Hyōgō, Sa
Seigneurie devait promettre que si Hyōgō commettait des offenses
majeures, il pardonnerait les trois premières. Sekishūsai n’a jamais passé
pour être indulgent envers l’impétuosité. Il devait avoir une affection toute
particulière pour Hyōgō.
Ces propos surprirent Sukekurō
à tel point qu’ils le laissèrent sans voix jusqu’à l’entrée d’Otsū. Elle
sourit à l’abbé, et dit :
— Quel plaisir de vous
revoir ! Hélas ! Hyōgō est obligé de préparer un rapport
qui doit être envoyé à Edo sur-le-champ, mais il m’a priée de vous transmettre
ses excuses de ne pouvoir vous voir cette fois-ci.
Et elle s’affaira à servir du thé
et des gâteaux à Inshun et aux deux jeunes prêtres qui l’escortaient. L’abbé
sembla déçu mais ignora poliment l’absence de concordance entre l’excuse de Sukekurō
et celle d’Otsū.
— Je le regrette. J’avais des
renseignements importants à lui communiquer.
— Je me ferai un plaisir de
les lui transmettre, dit Sukekurō, et vous pouvez être assuré que nul
autre que Hyōgō n’en aura connaissance.
— Oh ! je n’en doute
pas, dit le vieux prêtre. Je voulais seulement mettre en garde Hyōgō
en personne.
Alors, Inshun rapporta une rumeur
qu’il avait entendue, concernant des samouraïs du château d’Ueno dans la
province d’Iga. La ligne de démarcation entre Koyagyū et le château se
trouvait dans une zone peu habitée, à environ trois kilomètres à l’est ;
depuis qu’Ieyasu l’avait confisqué au daimyo chrétien Tsutsui Sadatsugu et
réattribué à Tōdō Takatora, de nombreux changements s’étaient
produits. Takatora, depuis qu’il était venu y résider l’année précédente, avait
réparé le château, révisé le système des impôts, amélioré l’irrigation, et pris
d’autres mesures en vue de consolider son pouvoir. Tout cela était de notoriété
publique. Ce dont Inshun avait eu vent, c’est que Takatora tentait d’accroître
son domaine en repoussant la ligne de démarcation.
D’après les rapports, Takatora
avait dépêché un certain nombre de samouraïs à Tsukigase où ils construisaient
des maisons, abattaient des pruniers, s’attaquaient aux voyageurs et
empiétaient ouvertement sur le domaine du seigneur Yagyū.
— ... Peut-être, commentait
Inshun, le seigneur Takatora profite-t-il du fait que vous êtes en deuil. Me
prendrez-vous pour un alarmiste ? Il me semble qu’il projette de repousser
la limite dans votre direction et d’élever une clôture nouvelle. Si oui, il
serait beaucoup plus facile de prendre des mesures maintenant qu’une fois qu’il
aura terminé. Si vous restez les bras croisés, je crains que vous ne le
regrettiez plus tard.
Etant l’un des principaux vassaux,
Sukekurō remercia Inshun de ces renseignements.
— Je vais faire enquêter, et
porterai plainte en cas de nécessité.
L’abbé prit congé. Quand Sukekurō
alla informer Kyōgo de ces bruits, ce dernier ne fit qu’en rire.
— Laissons faire,
déclara-t-il. Quand mon oncle reviendra, il pourra s’en occuper.
Sukekurō, qui savait
l’importance de garder le moindre pouce de terre, ne fut guère satisfait de
l’attitude de Hyōgō. Il conféra avec les autres samouraïs de haut
rang ; ils convinrent que, bien que la discrétion s’imposât, il fallait
faire quelque chose. Tōdō Takatora était l’un des plus puissants
daimyos du pays.
Le lendemain matin, en sortant du dōjō,
au-dessus du Shinkagedō, après son entraînement au sabre, Sukekurō rencontra
un garçon de treize ou quatorze ans. L’adolescent s’inclina devant Sukekurō
qui lui dit jovialement :
— Salut, Ushinosuke. Encore
en train
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