La parfaite Lumiere
appartenait à des samouraïs de la Maison de
Hosokawa. Ils s’étaient rendus à Kyoto pour des affaires pareilles à celles qui
avaient amené Sado au mont Kōya : la succession de Hosakawa Yūsai.
Maintenant, ils buvaient de l’infusion d’orge et s’éventaient, assis les uns
dans le bureau, d’autres dehors, sous les auvents.
Au retour de l’école, Iori parvint
jusqu’à la rue. Là, il s’arrêta et pâlit. Kojirō, assis sur un grand
panier, disait à Sahei :
— Il fait trop chaud, ici.
Notre bateau n’a pas encore accosté ?
Sahei leva les yeux de la brochure
qu’il avait en main et désigna le môle :
— Votre bateau est le Tatsumimaru .
Il est là-bas. Comme vous pouvez le voir, on n’a pas fini de le charger ;
aussi, vos places à bord ne sont-elles pas encore prêtes. Je regrette.
— J’aimerais beaucoup mieux
attendre à bord. Il doit y faire un peu plus frais.
— Bien, monsieur. Je vais
voir comment les choses tournent.
Trop pressé pour essuyer la sueur
de son front, il se précipita dans la rue où il aperçut Iori.
— ... Qu’est-ce que tu fais
là comme une borne ? Va donc t’occuper des passagers. Infusion d’orge, eau
froide, eau chaude... donne-leur tout ce qu’ils veulent.
Iori se rendit à un hangar, à
l’entrée de l’allée qui jouxtait l’entrepôt ; là, une bouilloire d’eau
était toujours prête. Mais au lieu de faire son travail, il se tenait là, à
foudroyer Kojirō du regard.
Maintenant, on l’appelait Ganryū
le plus souvent, ce nom de consonance assez scolaire paraissant plus approprié
à son âge et à son rang actuels. Il était plus pesant, plus solide. Son visage
s’était rempli ; ses yeux, autrefois perçants, étaient sereins,
impassibles. Il ne faisait plus un fréquent usage de sa langue acérée, qui dans
le passé avait causé tant de mal. En quelque sorte, la dignité de son sabre
était devenue partie intégrante de son caractère.
Résultat : les autres
samouraïs l’avaient accepté peu à peu.
Non seulement ils disaient grand
bien de lui mais le respectaient.
En nage, Sahei revint du bateau,
s’excusa de nouveau pour la longue attente et annonça :
— ... Les places du milieu du
navire ne sont pas encore prêtes, mais celles de l’avant le sont.
Cela signifiait que les simples
soldats et les plus jeunes samouraïs pouvaient monter à bord. Ils rassemblèrent
leurs affaires et partirent ensemble. Ne restèrent plus que Kojirō et six
ou sept aînés, tous personnages d’une certaine importance dans le fief.
— Sado n’est pas encore
arrivé, n’est-ce pas ? demanda Kojirō.
— Non, mais il ne devrait pas
tarder.
— Le soleil sera bientôt à
l’ouest, dit Sahei à Kojirō. Vous aurez plus frais à l’intérieur.
— Les mouches sont terribles,
gémit Kojirō. Et j’ai soif. Puis-je avoir une autre tasse de thé ?
— Tout de suite, monsieur.
Sans se lever, Sahei cria vers le
hangar à l’eau chaude :
— ... Io, qu’est-ce que tu
fabriques ? Apporte du thé à nos hôtes.
Et il se replongea dans sa
brochure ; mais, s’apercevant qu’Iori n’avait pas répondu, il se mit en
devoir de réitérer son ordre. Alors, il vit le garçon s’approcher lentement
avec plusieurs tasses de thé sur un plateau. Iori offrit du thé à chacun des
samouraïs en s’inclinant chaque fois poliment. Debout devant Kojirō avec
les deux dernières tasses, il lui demanda :
— Voulez-vous du thé ?
Distrait, Kojirō tendit la
main, mais la retira soudain tandis que ses yeux rencontraient ceux d’Iori.
Saisi, il s’exclama :
— Comment ! Mais
c’est...
Avec un large sourire, Iori
répliqua :
— La dernière fois que j’ai
eu la malchance de vous rencontrer, c’était à Musashino.
— Quoi ? aboya
Kojirō d’un ton qui ne convenait guère à son rang actuel.
Il allait dire autre chose quand
Iori s’écria :
— Tiens, vous vous souvenez
de moi ? et lui jeta le plateau à la figure.
— Oh ! cria Kojirō
en saisissant Iori par le poignet.
Le plateau le manqua mais il reçut
dans l’œil gauche un jet de thé chaud. Le reste du thé se répandit sur sa
poitrine et ses genoux. Le plateau alla s’écraser contre un poteau d’angle.
— ... Espèce de petit
gredin ! vociféra Kojirō.
Il jeta Iori sur le sol en terre
battue et l’y maintint du pied.
— ... Directeur !
appela-t-il avec colère. Ce moutard est l’un de vos garçons, n’est-ce
pas ?
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