La parfaite Lumiere
en
abondance nourriture et saké. Iori avait l’impression de pénétrer dans une
petite chambre bien installée de la résidence d’un daimyō.
Le navire atteignit Sakai dans la
soirée après une traversée sans incident de la baie d’Osaka. Les voyageurs
allèrent droit à l’établissement de Kobayashi, face au môle, où ils furent accueillis
par le directeur, appelé Sahei, et un groupe nombreux d’employés qui s’étaient
rassemblés dans la spacieuse entrée. En pénétrant dans la maison, Osei se
retourna pour dire :
— Sahei, voulez-vous vous
occuper de l’enfant, je vous prie ?
— Vous voulez parler du petit
galopin sale qui a débarqué ?
— Oui. Il m’a l’air d’avoir
l’esprit vif ; aussi, vous devriez pouvoir le mettre au travail... Et
faites quelque chose au sujet de ses vêtements. Il a peut-être des poux.
Veillez à ce qu’il se décrasse bien, et changez-le de kimono. Ensuite, il
pourra aller se coucher.
Durant les quelques jours qui
suivirent, Iori ne vit ni la maîtresse de maison ni sa fille. Un rideau mi-long
séparait les bureaux des lieux d’habitation, au fond. L’on eût dit un mur. Sans
autorisation spéciale, pas même Sahei n’osait le franchir.
Iori se vit donner un coin de la
« boutique », ainsi que l’on appelait le bureau, pour y dormir ;
bien qu’il fût reconnaissant d’avoir été secouru, son nouveau mode de vie ne
tarda pas à lui déplaire.
L’atmosphère cosmopolite où il se
trouvait plongé le fascinait. Il contemplait bouche bée les innovations
étrangères qu’il voyait dans les rues, les bateaux du port et les signes de
prospérité manifestes dans la façon de vivre des gens. Mais c’était toujours :
« Hé, mon garçon, fais-moi ci !... Fais-moi ça ! » Du dernier
des employés au directeur, ils le faisaient courir comme un chien ; cela
ne ressemblait pas du tout à leur attitude quand ils s’adressaient à un membre
de la maisonnée ou à un client. Alors, ils se transformaient en flagorneurs. Et
du matin au soir, ils ne parlaient qu’argent, argent. Ou bien alors, travail,
travail.
« Et ils se croient des êtres
humains ! » se disait Iori. Il avait la nostalgie du ciel bleu, de
l’odeur de l’herbe chaude sous le soleil ; cent fois, il résolut de fuir.
La nostalgie était la plus forte lorsqu’il se rappelait Musashi parlant des
moyens de se nourrir l’esprit. Il revoyait Musashi, le visage du pauvre
Gonnosuke. Et Otsū. La situation explosa le jour où Sahei l’appela :
— Io ! Io, où donc
es-tu ?
N’obtenant pas de réponse, il se
leva et se rendit à la poutre keyaki laquée de noir qui formait le seuil
du bureau.
— ... Toi, là-bas, le nouveau
garçon ! cria-t-il. Pourquoi ne viens-tu pas lorsque l’on t’appelle ?
Iori balayait l’allée entre les
bureaux et l’entrepôt. Il leva les yeux et demanda :
— Vous m’avez appelé ?
— Vous m’avez appelé, monsieur !
— Je vois.
— Je vois, monsieur !
— Bien, monsieur.
— Tu es sourd ? Pourquoi
ne m’as-tu pas répondu ?
— Je vous ai entendu dire
« Io ». Ça ne pouvait être moi. Je m’appelle Iori... monsieur.
— Io suffit. Autre chose. Je
t’ai dit, l’autre jour, de ne plus porter ce sabre.
— Oui, monsieur.
— Donne-le-moi.
Iori hésita un instant puis
répondit :
— C’est un souvenir de mon
père. Je ne pourrais m’en séparer.
— Espèce de moutard
effronté ! Donne-le-moi.
— De toute façon, je ne veux
pas devenir marchand.
— Sans les marchands, la vie
serait impossible, dit Sahei avec force. Qui donc apporterait les produits des
pays étrangers ? Nobunaga et Hideyoshi sont de grands hommes, mais ils
n’auraient pu construire tous ces châteaux — Azuchi, Jurakudai, Fushimi – sans
l’aide des marchands. Regarde seulement les hommes d’ici, à Sakai :
Namban, Ruzon, Fukien, Amoi. Tous font de grosses affaires.
— Je sais.
— Comment le
saurais-tu ?
— N’importe qui peut voir les
grandes manufactures de tissage d’Ayamachi, Kinumachi et Nishikimachi, et
là-haut, sur la colline, l’entreprise de Ruzon’ya ressemble à un château. Il y
a des rangées et des rangées d’entrepôts et de demeures de riches marchands.
Cette maison-ci... eh bien, je sais que Madame et Otsūru en sont fières,
mais elle n’est rien en comparaison.
— Comment, petit
gredin ?
Sahei n’eut pas le temps de
sortir : Iori avait lâché son balai et
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