La parfaite Lumiere
risquait
d’avoir. Le cœur d’Akemi, son corps entier brûlaient d’une jalousie furieuse.
Cela transparaissait au fond de ses yeux et jusque dans la couleur de sa peau.
Elle n’en poursuivit pas moins son interrogatoire :
— Dis-moi, quel âge
a-t-elle ?
— A peu près le même.
— Tu veux dire : le même
âge que moi ?
— Oui. Mais elle paraît plus
jeune et plus jolie.
Akemi insista dans l’espoir de
tourner Jōtarō contre Otsū :
— Musashi est plus viril que
la plupart des hommes. Le spectacle d’une femme qui fait tout le temps des
histoires doit lui être odieux. Otsū doit croire que les larmes vous
gagnent la sympathie d’un homme. Elle ressemble aux filles qui travaillent au
Sumiya.
Jōtarō, très irrité,
répliqua :
— C’est absolument faux.
D’abord, Musashi aime Otsū. Jamais il ne montre ses sentiments, mais il
est amoureux d’elle.
Le visage enfiévré d’Akemi tourna
au cramoisi vif. Elle aurait voulu se jeter à l’eau pour éteindre le feu qui la
consumait.
— Jōtarō, allons
par ici.
Elle l’entraîna dans une rue
latérale, vers une lumière rouge.
— C’est un débit de boissons.
— Et alors ?
— Les femmes n’ont rien à
faire dans un endroit pareil. Vous ne pouvez y aller.
— Brusquement, j’ai soif, et
je ne peux y entrer seule. Je me sentirais gênée.
— Vous vous sentiriez
gênée. Et moi donc !
— Il y aura là de quoi
manger. Tu pourras commander tout ce que tu voudras.
Au premier coup d’œil, la boutique
semblait vide. Akemi entra sans hésiter puis, face au mur plutôt que face au
comptoir, dit :
— ... Apportez-moi du
saké !
Aussi vite qu’il était humainement
possible, elle en ingurgita coupe sur coupe. Jōtarō, effrayé par
cette quantité, essaya de la freiner mais elle l’écarta d’un coup de coude.
— Bas les pattes !
jappa-t-elle. Quel fléau tu fais ! Un autre saké ! Un saké !
Jōtarō, s’interposant
entre elle et la jarre de saké, la supplia :
— Il faut vous arrêter. Vous
ne pouvez continuer de boire ici comme ça.
— Ne t’inquiète pas pour moi,
dit-elle d’une voix pâteuse. Tu es un ami d’Otsū, hein ? Je ne
supporte pas les femmes qui essaient de gagner un homme par les larmes !
— Eh bien, moi, je n’aime pas
les femmes qui s’enivrent.
— Je regrette, mais comment
un moutard comme toi pourrait-il comprendre pourquoi je bois ?
— Allez, payez la note.
— Tu crois donc que j’ai
l’argent ?
— Vous ne l’avez pas ?
— Non. Peut-être qu’il pourra
se faire payer au Sumiya. De toute manière, je me suis déjà vendue au patron.
Des larmes lui jaillirent des
yeux.
— ... Je suis navrée... Je
suis vraiment navrée.
— Quand je pense que vous
vous moquiez des larmes d’Otsū ! Regardez-vous donc.
— Mes larmes ne sont pas les
mêmes que les siennes. Oh ! la vie est trop difficile. Je voudrais être
morte.
Là-dessus, elle se leva et gagna
la rue en titubant. Le patron, dont ce n’était pas la première cliente de cet
acabit, se contenta d’en rire ; mais un rōnin qui jusque-là dormait
tranquillement dans un coin ouvrit des yeux vagues pour la regarder s’éloigner.
Jōtarō s’élança comme
une flèche à sa suite et la saisit par la taille, mais perdit prise. Elle se
mit à courir au long de la rue sombre, Jōtarō sur ses talons.
— Arrêtez ! criait-il,
alarmé. Il ne faut pas avoir des idées pareilles. Revenez !
Bien qu’elle ne parût pas craindre
de rencontrer un obstacle dans l’obscurité ou de tomber dans une fondrière,
elle était pleinement consciente des supplications de Jōtarō.
Lorsqu’elle avait plongé dans la mer, à Sumiyoshi, elle avait voulu se tuer,
mais elle n’était plus aussi naïve. Elle tirait un certain plaisir d’inquiéter
à ce point Jōtarō.
— ... Attention !
criait-il en voyant qu’elle allait droit vers les eaux sombres d’un fossé.
Arrêtez ! Pourquoi voulez-vous mourir ? C’est de la folie.
Comme il l’attrapait de nouveau
par la taille, elle gémit.
— Et pourquoi ne devrais-je
pas mourir ? Tu me crois mauvaise. Musashi aussi. Tout le monde. Il ne me
reste qu’à mourir en embrassant Musashi dans mon cœur. Jamais je ne laisserai
une femme pareille me le prendre !
— Comment êtes-vous arrivée
jusqu’ici ?
— Peu importe. Tu n’as qu’à
me pousser dans le fossé. Vas-y, Jōtarō, pousse-moi.
Se couvrant le visage de ses
mains,
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