La parfaite Lumiere
des bassins limpides,
qui brillaient comme saphirs au soleil.
— Oh ! fit Osugi,
écoutez les rossignols !
— Quand vient la saison des
pluies, les coucous chantent sans arrêt.
— Permettez-moi de vous
servir le saké. J’espère que cela ne vous ennuie pas si je m’associe à votre
célébration.
— Je suis content de vous
voir vous amuser.
De l’arrière, Koroku cria à pleine
voix :
— Dites donc, patron, et si
vous passiez le saké par ici ?
— Contente-toi de faire
attention à ton travail. Si tu commences maintenant, nous nous noierons tous.
Au retour, tu pourras boire tout ton soûl.
— Puisque vous le dites...
Mais je veux seulement que vous sachiez que la rivière entière commence à
ressembler à du saké.
— N’y pense plus... Allons,
approche-toi de ce bateau, au bord, pour que nous puissions acheter du poisson
frais.
Koroku fit ce qu’on lui disait.
Après un peu de marchandage, le pêcheur, avec un large sourire de satisfaction,
souleva le couvercle d’un vivier encastré dans le pont, et leur dit de prendre
tout ce qu’ils voulaient. Osugi n’avait jamais rien vu de pareil. Le vivier se
trouvait plein jusqu’au bord de poissons qui frétillaient, qui battaient des
nageoires, poissons de mer, poissons de rivière : carpes, crevettes,
poissons-chats, pagres noirs, gobies ; jusqu’à des truites et des bars.
Yajibei arrosa de sauce au soja de
la blanchaille, qu’il se mit à dévorer crue. Il en offrit à Osugi mais elle
refusa avec une expression d’épouvante.
Lorsqu’ils débarquèrent sur la
rive ouest, la vieille femme n’était pas très solide sur ses jambes.
— Attention, lui dit Yajibei.
Tenez, prenez ma main.
— Non, merci. Je n’ai besoin
d’aucune aide.
Elle agitait sa propre main devant
sa figure avec indignation.
Après que Jūrō et Koroku
eurent amarré le bateau, tous quatre franchirent une large étendue de pierres
et de mares pour atteindre la berge proprement dite. Un groupe de petits
enfants s’affairaient à retourner les pierres ; mais à la vue de ce
quatuor insolite, ils s’arrêtèrent et s’attroupèrent en bavardant avec
animation :
— Achetez-nous-en, monsieur,
s’il vous plaît.
— Vous ne voulez pas nous en
acheter, grand-mère.
Yajibei paraissait aimer les
enfants ; du moins ne montrait-il aucun signe d’impatience.
— Qu’est-ce que vous avez
là... des crabes ?
— Non, pas des crabes ;
des têtes de flèches ! s’écrièrent-ils en en sortant par poignées de leurs
kimonos.
— Des têtes de flèches ?
— Oui. Beaucoup d’hommes et
de chevaux sont enterrés dans un tumulus, à côté du temple. Les gens qui
viennent ici achètent des têtes de flèches pour en offrir aux morts. Vous devriez
en faire autant.
— Je ne crois pas avoir
besoin de têtes de flèches, mais je vous donnerai de l’argent. Ça vous
ira ?
Ça leur allait à merveille,
semblait-il : aussitôt que Yajibei leur eut distribué quelques pièces, les
enfants repartirent creuser. Mais sous ses yeux, un homme sortit d’une
chaumière proche, leur confisqua les pièces, et rentra. Yajibei fit claquer sa
langue et tourna les talons, dégoûté. Osugi contemplait la rivière, fascinée.
— S’il y a beaucoup de têtes
de flèches qui traînent, observa-t-elle, il doit y avoir eu une grande
bataille.
— Je ne sais pas au
juste ; mais il semble qu’il y ait eu pas mal de batailles par ici, à
l’époque où Edo n’était qu’un domaine provincial. Il y a quatre ou cinq cents
ans de cela. J’ai entendu dire que Minamoto no Yoritomo est venu d’Izu ici
organiser des troupes au XII e siècle. Lors de la défaite de la cour impériale – quand donc était-ce, au XIV e siècle ? —, le seigneur
Nitta de Musashi a été vaincu par les Ashikaga quelque part dans le voisinage.
Au cours des deux derniers siècles, Ota Dōkan et d’autres généraux locaux
passent pour avoir livré de nombreuses batailles tout près, en amont de la
rivière.
Pendant qu’ils devisaient, Jūrō
et Koroku les devançaient pour leur préparer une place où s’asseoir sur le
péristyle du temple.
Le Sensōji se révéla une
terrible déception pour Osugi. A ses yeux, ce n’était qu’une grande maison
délabrée, et la résidence du prêtre une simple cabane.
— Ce n’est que ça ?
demandait-elle avec plus qu’une ombre de dépréciation. Après tout ce que j’ai
entendu dire du Sensōji ...
Le décor était
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