La parfaite Lumiere
une voix qui lui demandait :
— Puis-je m’entretenir avec
vous quelques instants ?
Sado fit halte, et Iwama Kakubei,
un vassal respecté pour son esprit pratique et sa sagacité, vint à lui.
— ... Vous allez vous
entretenir avec Sa Seigneurie ? demanda-t-il.
— Oui.
— Si vous n’êtes pas trop
pressé, il y a une petite affaire au sujet de laquelle je souhaiterais vous
consulter. Pourquoi n’irions-nous pas nous asseoir là-bas ?
Comme ils franchissaient les
quelques marches qui les séparaient d’un berceau de verdure, Kakubei
reprit :
— ... J’ai une faveur à vous
demander. Si vous en avez l’occasion au cours de votre entretien, il y a un
homme que je désirerais recommander au jeune seigneur.
— Quelqu’un qui veut servir
la Maison de Hosokawa ?
— Oui. Je sais bien que
toutes sortes de gens viennent vous trouver avec la même requête, mais l’homme
en question est très exceptionnel.
— Est-ce un de ces hommes qui
ne s’intéressent qu’à leur sécurité et à leur solde ?
— Absolument pas. Il est
apparenté à mon épouse. Il habite chez nous depuis son arrivée d’Iwakuni, voilà
deux ans ; je le connais donc fort bien.
— Iwakuni ? Avant la
bataille de Sekigahara, la Maison de Kikkawa tenait la province de Suō.
Est-il un de leurs rōnins ?
— Non. Il est fils d’un
samouraï rural. Il a nom Sasaki Kojirō. Il a beau être encore jeune, il a
été formé au style Tomita de Kanemaki Jisai, et il a appris du seigneur
Katayama Hisayasu de Hōki les techniques en vue de dégainer à la vitesse
de l’éclair. Il a même créé son style propre, qu’il appelle Ganryū.
Kakubei continua, dressant une
liste détaillée des divers exploits et talents de Kojirō. Sado n’écoutait
pas vraiment. Sa pensée revenait à sa dernière visite au Tokuganji. Bien qu’il
fût certain, d’après le peu qu’il avait vu et entendu, que Musashi était le
type d’homme qu’il fallait à la Maison de Hosokawa, il avait eu l’intention de
le rencontrer personnellement avant de le recommander à son maître.
Entre-temps, un an et demi s’était écoulé sans qu’il trouvât l’occasion de se
rendre à Hōtengahara.
Quand Kakubei eut terminé, Sado
lui dit : « Je ferai mon possible pour vous », et poursuivit sa
route vers le champ de tir à l’arc.
Tadatoshi disputait une épreuve
avec des vassaux de son âge, dont aucun n’était digne de lui, fût-ce de loin. Son
tir, qui atteignait la cible à tout coup, témoignait d’un style impeccable.
Certains membres de sa suite lui avaient reproché de prendre trop au sérieux le
tir à l’arc, lui représentant qu’à l’âge des armes à feu et des lances, ni le
sabre ni l’arc ne servaient plus à grand-chose dans les combats réels. A quoi
il avait fait cette mystérieuse réponse : « Mes flèches visent
l’esprit. »
La suite des Hosokawa avait le
plus grand respect pour Tadatoshi, et l’eût servi avec enthousiasme, même si
son père, à qui elle était non moins dévouée, n’avait été un homme aux talents
considérables. En cet instant, Sado regretta la promesse qu’il venait de faire
à Kakubei. Tadatoshi n’était pas un homme à qui l’on recommandait à la légère
d’éventuels serviteurs. En essuyant la sueur de son visage, Tadatoshi dépassa
plusieurs jeunes samouraïs avec lesquels il venait de causer et de rire. Il
aperçut Sado, et l’appela :
— Alors, vétéran, vous venez
tirer ?
— Je me suis fait une règle
de ne me mesurer qu’avec des adultes, répliqua Sado.
— Alors, vous nous prenez
encore pour de petits garçons aux cheveux noués sur la tête ? Avez-vous
oublié la bataille de Yamazaki ? Le château de Nirayama ? J’ai reçu
des éloges pour mes actions sur le champ de bataille, vous savez. De plus, je
suis pour le véritable tir à l’arc, et non...
— Ha ! ha ! J’ai
parlé trop vite. Je n’avais pas l’intention de vous faire monter à nouveau sur
vos grands chevaux.
Les autres se joignirent à ses
éclats de rire. Glissant le bras hors de sa manche, Tadatoshi reprit son
sérieux pour demander :
— ... Vous êtes venu me
parler ?
Après avoir passé en revue un
certain nombre d’affaires courantes, Sado ajouta :
— Kakubei m’a dit qu’il avait
un samouraï à vous recommander.
Durant quelques instants,
Tadatoshi eut un regard lointain.
— Je suppose qu’il s’agit de
Sasaki Kojirō. Son nom a été cité
Weitere Kostenlose Bücher