La Perle de l'empereur
d’activité. Des gens s’y seraient installés. Pas trop difficiles sans doute, parce que la baraque ne doit pas manquer de courants d’air. Ça a excité ma curiosité et j’ai un petit peu observé. Une fois j’ai même aperçu celui qui doit être le propriétaire : un bel homme très brun avec de l’allure mais l’air mauvais. Il est arrivé dans une grande voiture noire…
— Une Renault ?
— Non. Une vraie belle voiture. Une Delage, je crois. Et avec un chauffeur. Il n’est resté que quelques heures puis il est reparti, mais il a laissé du monde là-dedans…
— Des domestiques chargés de remettre de l’ordre, peut-être ?
— Drôles de domestiques ! Je ne les ai jamais vus avec un balai ou un plumeau. Quand il ne pleuvait pas ils jouaient aux boules derrière la maison et, le reste du temps, quand une fenêtre s’ouvrait c’était pour faire partir les fumées de tabac.
— Il y a une femme avec eux ?
— Non. Tout au moins je ne l’ai jamais vue. Il est vrai, ajouta-t-il, que je viens d’être absent…
— C’est vrai. Vous êtes rentré cette nuit, fit Adalbert, revenant à un vouvoiement plus diplomatique.
— Ah ! Vous savez ça ?
— Je sais beaucoup de choses. En arrivant, vous vous êtes fait des œufs au plat. D’où veniez-vous ?
— De Londres. J’étais… j’étais allé vendre… une babiole.
— Quel genre de babiole ?
— Le… le petit scribe aux yeux d’émail de la XVIII e dynastie, émit doucement La Tronchère, qui s’attendait à une réaction violente ; mais Adalbert ne broncha pas, ou si peu…
— On réglera ça plus tard ! Pour le moment je cherche un de mes amis qui a disparu depuis… des jours ! Je ne sais même plus combien et je commence à me demander si on ne l’a pas amené ici. Vous avez le téléphone ?
— Pour quoi faire ? Vous ne l’avez pas non plus vous, à côté ? Parce que vous n’aviez pas plus que moi envie de vous retrouver dans le Bottin. Pour téléphoner il faut aller à la poste…
— Bon. Alors j’y vais…
— Vous n’allez pas me laisser comme ça ? En robe de chambre et mourant de faim ? Je vous jure que je vous attendrai ! Et… et même que je vous aiderai parce que… chaparder de-ci de-là, passe encore… Mais un meurtre ! Ça non !…
Indécis, Adalbert considéra son prisonnier, sa figure poupine de bon vivant, son crâne chauve et son corps replet boudiné dans la robe de chambre verte et rose. Presque attendrissant !
— Qu’avez-vous à craindre ? reprit celui-ci. Que je me volatilise avec… avec ce qu’il y a ici ? Vous en avez pour une demi-heure à tout casser, et il m’a fallu deux nuits pour vous déménager ! En outre, je ne vois pas très bien où je pourrais aller. À part à Montauban, chez mon père, et ce n’est pas la porte à côté. Faites-moi un peu confiance ! Dans cette histoire je ne demande qu’à vous aider. Et même, tenez ! Pendant que vous allez téléphoner, je vais nous préparer à manger, parce que je suppose que vous n’allez pas rester là qu’un moment. Et j’ai à la cave quelques bocaux de confit d’oie que j’ai rapporté de chez moi… C’est… c’est à la police que vous voulez téléphoner ? conclut-il d’une toute petite voix.
— Non. À mon domicile ! Je dois faire venir de l’aide…
— Alors, déliez-moi, je vous en prie ! En m’habillant, je surveillerai un peu la maison d’à côté et je me mettrai en cuisine…
Il débordait d’une si évidente bonne volonté qu’Adalbert n’hésita plus. Prenant un couteau, il coupa les cordons de tirage, ce qui lui valut un grand sourire reconnaissant :
— C’était un peu serré, vous savez ? Et je n’ai pas une très bonne circulation… Vous êtes venu comment ? À pied ?
— Non. J’ai laissé ma voiture un peu plus loin.
— Si c’est la petite chose rouge qui fait tant de bruit, vous feriez mieux de la rentrer dans le jardin. Elle est un peu voyante. Je vais vous ouvrir la grille.
— D’accord, je la rentrerai en revenant…
Et Adalbert partit téléphoner tandis que La Tronchère, qui avait tout à coup l’air heureux comme un collégien, se précipitait vers sa cave avec un panier pour en rapporter les fameux pots auxquels, généreux, il ajouta une boîte de foie et deux bouteilles de vin. Il déposa le tout sur la table de la cuisine puis galopa au premier pour revêtir une tenue plus conforme à une nuit
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