La Perle de l'empereur
colonel Karloff pénétra tous feux éteints et avec une sage lenteur dans le petit jardin de La Tronchère. Adalbert, qui ne tenait plus en place, se précipita à la portière :
— Vous y avez mis le temps ! émit-il dans un souffle indigné. Qu’avez-vous bien pu fabriquer ?
— D’abord il a fallu qu’on me trouve, fit la voix de basse taille de l’ancien cosaque. Et ne rouspète pas ! On a fait aussi vite qu’on a pu !
— On a perdu beaucoup de temps en cherchant Romuald, renchérit Théobald. Et malheureusement on ne l’a pas trouvé !
— Il est parti où, celui-là ? En vacances ? Chez sa mère malade ? En reportage ?
— Ça, c’est moi que ça vise ! dit Martin Walker qui sortait du taxi par la portière opposée. Il est vrai que je vous dois un tas d’excuses.
— Ce n’est pas à moi que vous les devez ! gronda Adalbert. D’où sortez-vous ?
— De chez vous dans l’immédiat et avant de chez le commissaire Langlois. Mais est-ce que cette conférence ne pourrait pas se tenir à l’intérieur ? Il fait frisquet !
Adalbert approuva d’un signe de tête et l’on entra dans la maison au seuil de laquelle attendait La Tronchère. Chemin faisant, Théobald expliquait :
— M. Walker était chez nous quand Monsieur a téléphoné. Il a tenu absolument à m’accompagner et, comme je ne trouvais toujours pas mon frère, j’ai pensé qu’un homme jeune et sportif comme lui pouvait être utile.
— Tu as bien fait. Pouvez-vous me dire, vous, pourquoi vous avez disparu au moment où l’on avait réellement besoin de vous ? Grâce à vous Morosini est accusé d’un meurtre horrible et tous vos confrères l’ont traîné dans la boue.
— Mon excuse est que j’ignorais la mort de la comtesse. J’ai reçu tôt le matin une nouvelle qui pouvait nous donner une piste…
— En Pologne ? C’était peut-être un peu loin ?
— Pour découvrir un assassin on ne va jamais trop loin. On m’a prévenu que l’on venait de découvrir à Varsovie des manuscrits de Napoléon I er et qu’ils allaient être vendus aux enchères. J’ai pensé que notre Napoléon à nous n’y résisterait pas et que j’avais une chance de le pincer là-bas. Alors je suis parti…
— Et qu’avez-vous trouvé ?
— Rien. À la réflexion, le gouvernement polonais a interdit la vente au dernier moment. Alors je suis rentré et, comme j’avais pu me procurer un ou deux journaux français, je me suis précipité au quai des Orfèvres pour raconter notre nuit.
— On vous a cru, j’espère ?
— Oh oui ! J’ai tout de même écopé d’une engueulade : Langlois était furieux que je ne me sois pas manifesté plus tôt. Comme vous ! Enfin demain, la Presse entière rendra justice à votre ami. Et moi, je vous offre mes excuses bien sincères. Comme je les lui offrirai quand on le retrouvera…
Le jeune homme était visiblement ému et bourrelé de remords. Adalbert lui tendit une main et de l’autre, lui assena une tape sur l’épaule.
— À condition qu’on le retrouve vivant ! Je suis presque persuadé qu’il est ici…
— Racontez !
Les cinq hommes étaient à présent réunis dans le salon si étrangement orné de merveilles pharaoniques dont la vue avait soulevé jusqu’au milieu du front les sourcils broussailleux du journaliste :
— Nous sommes chez un de vos confrères ?
— En quelque sorte. J’ajoute que de la fenêtre du premier étage nous avons vu arriver une voiture qui s’est arrêtée derrière la maison avant de se rendre au garage. Tout était éteint mais il nous a semblé qu’il y avait dedans une femme…
— Ils sont nombreux là-dedans ?
— Aucune idée ! Il y a au moins les deux hommes qui viennent d’arriver et dont j’ignore si l’un deux est notre Napoléon, il doit y en avoir deux autres puisque notre hôte ici présent en a vu quatre jouer aux boules. Sans compter notre amie Tamar qui est aussi costaude qu’un mâle, si ce n’est plus… Vous n’avez pas prévenu la police ?
— Bien sûr que non. D’abord nous ne sommes pas certains d’avoir trouvé l’endroit où est détenu le prince, ensuite, s’il y est, l’apparition d’uniformes pourrait signifier sa mort… On y va ?
— Venez d’abord au premier pour reconnaître le terrain.
Dans la chambre obscure ils observèrent un moment la maison voisine, et ce qu’ils virent n’était pas réjouissant. La voiture avait été rentrée
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