La Perle de l'empereur
l’orée duquel l’orchestre du maharadjah faisait entendre de la musique anglaise. Sans doute en l’honneur du botaniste, dont les énormes lustres à cristaux faisaient briller doucement le crâne chauve au milieu des turbans variés des autres personnages présents. Il n’y avait là que des hommes, une vingtaine tout au plus, sur le fond chatoyant desquels le maharadjah se détachait comme un grand lys rose au milieu d’un champ de primevères : il irradiait les feux des diamants et des rubis qui constellaient les roses brodées sur sa tunique de velours et le diadème qui partait comme une auréole de fusées au-dessus de son visage hautain. Des serviteurs blanc et or circulaient parmi les invités, portant sur des plateaux d’argent des verres contenant des boissons aux couleurs variées.
L’entrée de Morosini arrêta net les conversations. Plantant là son botaniste, Alwar s’avança vers son invité d’honneur, les deux mains – gantées ! – tendues et le visage illuminé d’un sourire qui découvrait toutes ses dents. Très belles un demeurant.
— Mon ami !… Mon très cher ami ! Quelle joie me donne votre présence ! Voilà des semaines que j’attends cet instant. Avez-vous fait bon voyage ?
— Excellent, Altesse, mais je…
— Venez, venez que je vous présente ces gens qui vont avoir le privilège de dîner avec vous !
Il l’avait pris par le bras et l’entraînait vers ses autres invités, qui étaient en majorité de hauts fonctionnaires de l’État ou des militaires. Aldo salua d’abord le botaniste, sir Joshua Keating, occupé à décrire à un barbu enturbanné les étonnantes propriétés d’une nouvelle variété de la Prosopopis cineraria , plus connue sous le nom de Khejra aux Indes où elle jouissait d’un statut quasi sacré, mais dont il venait de découvrir, dans la réserve de chasse, une espèce inconnue jusque-là et dont les vertus devaient être étonnantes. Aldo n’eut de lui qu’une poignée de main distraite et un regard qui, faute de passer au-dessus de lui – question de taille ! –, se posa un bref instant sur sa cravate. Ensuite ce fut le tour du Diwan – sir Akbar Gohind – et instantanément Aldo sut que cet homme possédait une forte personnalité et qu’il allait lui plaire. Sous un étroit turban sans ornements, son visage mince, aux trais fins, aux yeux intelligents et méditatifs, s’encadrait d’une courte barbe grise. Pas très grand, il n’en portait pas moins avec élégance une tunique de soie noire fermée par des boutons de diamant. Ses mains étaient admirables et son sourire chaleureux.
Savoir Adalbert chez un tel homme avait quelque chose de réconfortant. Mais, au fait, où était-il, Adalbert ? Il ne le voyait nulle part.
Comme il le cherchait des yeux, le Diwan saisit son regard.
— Vous cherchez votre ami ?
— En effet, sir Akbar. Il m’est revenu qu’on vous l’avait envoyé et je vous remercie de l’avoir accueilli, mais j’avoue ne pas avoir bien compris…
— J’aurais préféré vous l’apprendre moi-même, mon ami, coupa Alwar visiblement contrarié. Mais dans nos palais les cancans vont si vite…
— Ils sont si vastes et si peuplés, il est normal que le vent les porte rapidement. J’ai souhaité, dans la journée, rejoindre M. Vidal-Pellicorne et l’on m’a dit qu’il… rendait visite au Diwan sahib…
— Ce qui m’enchante ! fit celui-ci avec un sourire et un petit salut. C’est un homme d’une grande culture avec qui je vais avoir plaisir à m’entretenir longuement…
Mais le maharadjah entendait terminer la question lui-même. Glissant son bras sous celui d’Aldo, il l’entraîna vers l’une des hautes fenêtres après avoir écarté d’un geste impatient un serviteur et son plateau.
— N’en veuillez pas à mon amitié de l’avoir éloigné momentanément de vous. J’aurais eu plaisir à le garder au palais en… d’autres temps, d’autres circonstances, mais je tenais beaucoup à ce que personne ne se glisse en tiers entre nous. Les astres d’ailleurs l’ont conseillé. Nous avons à parler de tant de choses touchant aux plus hautes aspirations de l’homme !
— Monseigneur, dit Morosini, je suis venu vous admirer dans votre cadre ancestral, contempler vos collections et, si vous ne l’avez pas oublié achever la conclusion d’une affaire, mais je crains que les plus hautes aspirations de l’homme me soient un peu étrangères. En
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