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La Perle de l'empereur

La Perle de l'empereur

Titel: La Perle de l'empereur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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d’être vigilant. Nous allons boire ensemble un peu de cognac. Cela nous aidera à oublier ce misérable apprenti-assassin.
    Aldo avala d’un trait le verre qu’on lui offrait puis se leva, s’inclina avec une raideur digne d’un officier britannique :
    — Avec la permission de Votre Grandeur, j’aimerais me retirer. Je ressens soudain la fatigue du voyage…
    — Bien, bien ! Allez vous reposer, cher Morosini. Nous nous reverrons demain. On va vous reconduire chez vous.
    En quittant la table, Aldo saisit au passage l’air effaré du botaniste et le regard soucieux du Diwan, mais l’idée de rester une minute de plus dans cette salle somptueuse où un pauvre gamin venait de subir un sort horrible, et très certainement immérité, lui était intolérable. Il était partagé entre deux envies contradictoires : étrangler ce monstre avec son auréole scintillante ou fuir à toutes jambes ce palais, ce pays, retrouver la cage brinquebalante du train qui l’emporterait ailleurs, et le plus loin possible. L’un comme l’autre était irréalisable : tuer Alwar signerait son arrêt de mort et la présence d’Adalbert chez le Diwan lui interdisait de quitter la ville sous peine de l’exposer à la vindicte du maharadjah.
    Revenu à sa chambre où il pensait retrouver Amu, il vit qu’un autre domestique se tenait à la porte, qu’il ouvrit avec un profond salut :
    — Qui es-tu ? Où est Amu ?
    L’homme releva une paupière lourde, découvrant une prunelle qui avait l’air de glisser dans de l’eau noire :
    — Malade Amu. Moi je suis Rao… et à ton service, sahib !
    — Merci. Pour ce soir, je n’ai pas besoin de toi. Tu peux te retirer.
    Sans insister l’homme s’exécuta, laissant Morosini se demander ce que signifiait cette soudaine maladie d’un serviteur qui semblait en si bonne santé quelques heures auparavant. Et ce que signifiaient les événements de cette étrange soirée. À quoi rimait cette subite accusation d’empoisonnement d’un plat tellement vaste qu’il aurait fallu un kilo d’arsenic ou de strychnine pour le rendre vénéneux ? Un coup monté, sans doute, destiné peut-être à lui faire comprendre que son intérêt était de satisfaire en tout un homme pour qui la vie humaine représentait si peu de chose. Il y avait là un avertissement. Une menace peut-être…
    Il prit une cigarette dans son étui, l’alluma et s’approcha de la fenêtre pour respirer la nuit fraîche. Elle donnait sur une cour intérieure aux murs de laquelle s’accrochaient des bougainvilliers rouges et blancs. Un parterre à la mode moghole y dessinait des motifs carrés où poussaient les soucis, les verveines et les roses. L’endroit eût été charmant s’il n’était si bien clos. Y descendre n’eût sans doute pas mené sans difficultés à l’extérieur d’un palais dont les dimensions démesurées réduisaient sa propre demeure ancestrale à l’état de modeste hôtel particulier. En outre, sous la galerie qui formait une sorte de cloître, la silhouette martiale d’un garde armé d’un long sabre courbe apparaissait entre les colonnettes.
    Aldo resta là un moment à respirer la nuit, au fond de laquelle se faisait entendre, assourdis par la distance, les échos de l’orchestre du maharadjah jouant un air bizarre.
    Sa cigarette achevée, Aldo décida de se coucher. Dormir lui éclaircirait les idées et d’ailleurs il se sentait vraiment las. Il se déshabilla, abandonnant ses vêtements un peu partout sur le tapis, puis se dirigea vers la salle de bains pour prendre une dernière douche et se laver les dents. Or, en prenant le verre préparé à cet usage et enveloppé d’un papier de soie rose pour l’hygiène, il trouva un mince rouleau de papier glissé à l’intérieur. Un mot y était écrit, un seul, mais aussi peu rassurant que possible :
    « Partez ! »

CHAPITRE XIII
BALA QILA
    Gardée par un chauffeur tout de blanc vêtu, la longue Bugatti bleue attendait devant l’entrée principale du palais quand Morosini la rejoignit, guidé par Rao. Le serviteur au regard fuyant semblait avoir définitivement remplacé Amu. Un mot de la main du maharadjah venait en l’éveillant, et alors qu’il faisait encore sombre, de le convier à une promenade en sa compagnie. Jay Singh lui-même apparut presque aussitôt et son invité faillit ne pas le reconnaître, habitué qu’il était à ses splendeurs vestimentaires. Simplement vêtu, cette fois, de jodhpurs

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