La Perle de l'empereur
et fit, dans la cage de verre peint qui abritait une collection de plantes, quelques pas rapides qui firent cliqueter les nombreux – et précieux ! – sautoirs qui ne la quittaient jamais.
— J’aurais dû y penser plus tôt. C’est une excellente idée, Plan-Crépin. Allez téléphoner !
Marie-Angéline partit en direction de la loge du concierge. En effet c’était le seul endroit de son hôtel où M me de Sommières tolérât un ustensile qu’elle jugeait incompatible avec sa personne. Née au temps des belles manières, elle n’accepterait jamais l’idée que l’on puisse la sonner comme une domestique. Pendant ce temps-là Adalbert prenait congé avec l’assurance que, s’il y avait du nouveau on le préviendrait immédiatement…
Il repartit chez lui à pied. Le chemin n’était pas long entre la rue Alfred-de-Vigny, où Tante Amélie habitait une demeure de style troubadour bourrée de passementeries Second Empire héritée d’une tante par alliance, Anna Deschamps, qui avait été une « grande farceuse » (traduisez une dame de petite vertu) en vogue au temps où Offenbach régnait sur Paris, et la rue Jouffroy. Il suffisait de traverser le parc Monceau sur lequel ouvrait le jardin privé de la marquise et par ce joli matin encore frais mais ensoleillé la promenade tentait Adalbert. Ne sachant plus où chercher son ami, il vivait enfermé chez lui, près du téléphone, fumant comme une cheminée d’usine et ne quittant son fauteuil que pour se laver, se nourrir – en chipotant beaucoup ! – et rejoindre, fort tard, un lit qui lui semblait aussi confortable que le gril de saint Laurent. Découvrir des rhododendrons fleuris et des feuilles toutes neuves aux arbres lui fit du bien. Il s’arrêta même sur un banc, près de la Naumachie, pour regarder les cygnes évoluer. C’est alors qu’une idée lui vint. Tellement simple qu’il se traita d’imbécile de n’y avoir pas songé plus tôt. Aldo ne lui avait-il pas raconté ses bizarres relations avec la fille de Raspoutine ? Or, celle-ci était l’une des marionnettes que manipulait le mystérieux Napoléon VI. Elle devait donc avoir quelques lumières sur les endroits qu’il était susceptible de fréquenter. Avec ses idées de chevalerie d’un autre âge, Morosini s’était refusé à faire mention d’elle devant la police parce que, selon l’histoire racontée par Walker, elle était plus à plaindre qu’à blâmer et qu’elle avait des enfants, mais le temps n’était plus aux délicatesses excessives quand il s’agissait de retrouver le disparu. Un seul ennui, et de taille : il ignorait où elle habitait. Tout ce qu’il avait retenu est qu’elle dansait quelque part mais où ? Aldo l’avait mentionné mais l’information avait dû tomber au moment où son ami pensait à autre chose et il ne s’en souvenait plus.
Un instant, il caressa l’idée de retourner rue Alfred-de-Vigny pour savoir si M me de Sommières avait pu joindre l’ancien policier, mais il hésita à la déranger au milieu d’une nuée de malles et de valises. Si ce soir il n’avait rien trouvé il pourrait toujours téléphoner et confier l’affaire à Marie-Angéline.
Rentré chez lui, il alla trouver Théobald qui épluchait des légumes à destination d’un pot-au-feu.
— Toi qui sais tout, est-ce que tu connais les music-halls de Paris ?
— Ben… oui. Monsieur aussi, je suppose ?
— Cela n’a jamais été ma tasse de thé. Dis un peu pour voir !
Théobald leva les yeux au plafond pour y puiser l’inspiration et commença à réciter :
— … Il y a le Casino de Paris… l’Olympia… le Bataclan… les Folies-Bergère… le Moulin-Rouge… le…
— Attends ! C’étaient des folies mais elles n’étaient pas bergères…
— Ah ! Ça devient plus difficile. Je vous ai cité, je crois, le dessus du panier. Après il y a le tout venant que je connais encore plus mal… Mais si Monsieur consultait le Bottin ? Il doit bien y avoir le téléphone dans ce machin-là ? En cherchant à Folies…
— Excellente idée ! Heureusement que je t’ai. Je pense que je commence à me rouiller.
— Une impression fugitive, Monsieur !
Un moment plus tard, Adalbert avait trouvé ce qu’il cherchait : les Folies-Rochechouart, et se promit d’y aller le soir.
Situé dans la rue du même nom, qui depuis qu’elle existait avait vu éclore une quinzaine de cabarets, le théâtre des
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