La pique du jour
chausses du condamné et le
pliant en deux, commença son exécution, non sans que je lui eusse crié en oc en
ouvrant ma verrière :
— Seulement jusqu’au rouge, Pissebœuf ! Je ne veux
point voir le sang !
Après quoi reclosant la verrière, je lus le poulet de Pierre
de Lugoli.
Monsieur le
Marquis,
Comme je ne suis pas assez déconnu des manants et habitants
de cette ville, pour que je vous aille voir sans faire jaser les grandes
langues et branler les longues oreilles de votre voisinage, le mieux, si vous
l’avez pour agréable, serait que vous me veniez visiter sur les neuf heures du
soir en mon particulier logis, rue Tirechape. Vous reconnaîtrez ma maison à ce
que le marmouset de mon heurtoir est un diablotin. Plaise à vous de toquer deux
fois.
Dans cette attente, je suis, Monsieur le Marquis, votre
humble et dévoué serviteur.
Pierre de Lugoli.
À ce moment, de grands huchements venant jusqu’à moi de la
cour de devant, je déclouis ma fenêtre, et criai en oc (pour ne pas être
compris de Luc) :
— N’y va pas à la volée, Pissebœuf !
— Moussu le Marquis, dit Pissebœuf. Fait comme je le
fais, c’est quasiment une mignonnerie !
Ce qui fit rire tous ceux de mes gens qui entendaient l’oc,
à savoir mon autre Gascon Poussevent, le cocher Lachaise, le cuisinier Caboche
(tous deux Auvergnats) et le Périgordin Faujanet qui était accouru en
boitillant de son jardin pour jouir du spectacle, lequel, à ce que je vis en me
penchant, était aussi fort curieusement envisagé des fenêtres du premier et du
second par toutes mes chambrières, lesquelles babillaient fort à l’effronté sur
cet événement domestique.
— Dévergognées ! leur criai-je du bas, reclosez à
l’instant les verrières et tenez-vous coites, ou je vous vais de ma main fesser
toutes !
— À Dieu plaise ! dit Guillemette qui faisait de
plus belle l’impertinente, maintenant que Louison n’était plus là pour lui
brider la langue.
— Mon Pierre, dit Miroul en me mettant la main sur
l’épaule, je te prie, n’abrège point l’exécution comme tu fais toujours. Ces
deux vaunéants sont devenus tout à plein ingouvernables, depuis que tu leur as
baillé à chacun un écu pour faire le vas-y-dire.
— Je te le promets, mon Miroul, dis-je, assez à
rebrousse-cœur. Mais à la condition que, le supplice fini, tu fasses oindre et
panser Luc par Greta.
— Moussu, Franz ne vous en saurait d’aucun gré, le
galapian étant si joli.
— Alors, par Mariette ?
— Moussu, Caboche n’en serait pas heureux.
— Se peut par Héloïse ?
— Moussu, vos Gascons sourcilleraient là-dessus.
— Et pourquoi pas Guillemette ? dis-je avec un
sourire.
— Moussu, j’en serais jaleux, dit Miroul en riant.
— Adonc, par qui tu veux.
— Ce sera donc par Lisette, dit Miroul. Ce qui ne
poindra pas M. de L’Étoile, puisqu’il ne le saura point.
Le curement se fit sur le tréteau où Lisette était
accoutumée à repasser le linge, non sans que j’allasse voir si les
« mignonneries » de Pissebœuf n’avaient pas fait saillir le sang,
auquel cas il n’eût pas fallu oindre la navrure, mais l’arroser à
l’esprit-de-vin. Or, je trouvai mon Luc étendu à plat ventre sur les planches,
les chausses abaissées, la face point du tout décomposée et disant à Lisette,
comme Miroul et moi entrions :
— Lisette, je me ferais fouetter tous les jours que
Dieu fait, si tu me devais masser de tes douces mains.
— Voyez-vous le béjaune ! dit Lisette en nous
prenant chattemitement à témoin : Il est à peine déclos de son œuf qu’il
court, la coquille encore sur le croupion, et prétend même coqueliquer.
— C’est pitié, dit Luc d’un ton piqué, quand poule
cotquouasse plus haut que le coq !
— Paix-là, Luc ! dit Miroul. Veux-tu qu’on te
frotte encore ? Ne sais-tu pas qu’on te défend de faire le galant et le
zizanieux avec les chambrières ?
— Hé ! Monsieur l’Écuyer ! dit Lisette qui
avait le cœur piteux, je ne voudrais pas qu’on le fouette derechef. Le pauvret
est navré assez. Voyez, le sang n’est pas loin. Et hormis que sa fesse,
reprit-elle en passant sa main dessus avec langueur, est ronde, dure et musculeuse,
il a la peau plus tendre que fillette.
— Cela suffit, dit Miroul, très à la Sauveterre.
Lisette, tu l’as oint assez. Luc, remonte tes chausses et t’ensauve.
Si je n’avais été visité ma petite duchesse
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