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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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primo, la charge de Grand-Maître de la Maison
du roi. Secundo, le governorat de la Champagne. Tertio, les
bénéfices de l’archevêché de Reims.
    — Tout sotte caillette que je sois, dit la duchesse
avec un petit air de braverie, il me semble, à moi, que ces demandes sont
légitimes.
    — Mon ange, elles sont tout à plein légitimes, et tout
à plein impossibles à satisfaire.
    — Pourquoi cela ?
    — Pour les raisons que je vais dire. Après la
meurtrerie à Blois de Henri de Guise et du cardinal de Guise, l’état
de Grand-Maître de la Maison du roi a été baillé au comte de Soissons ; le
governorat de la Champagne au duc de Nevers ; les bénéfices de
l’archevêché de Reims (qui revenaient au cardinal) à M. du Bec. Or,
M. le comte de Soissons est, comme bien vous savez, le cousin du roi. Le
duc de Nevers, le plus ferme soutien du trône. Et M. du Bec, un parent de
la belle Gabrielle. Si donc Sa Majesté accédait aux requêtes de Monsieur
votre fils, elle se ferait trois mortels ennemis, dont le moindre ne serait pas
sa favorite. Adonc, le père Guignard, en recommandant, par votre intermédiaire,
une extrême fermeté à votre fils en ses demandes, travaillait, dans la réalité
des choses, à faillir la négociation. Et dans le même temps, craignant que mon
influence sur vous s’exerçât en sens contraire, il me noircit à vos yeux afin
que de nous estranger l’un à l’autre.
    C’est peu dire que Catherine écoutait mes paroles à doubles
oreilles : elle les buvait. Et je fus moi-même surpris de la célérité avec
laquelle elle quitta les thèses de son jésuite pour épouser les miennes.
    — Ha ! le méchant ! cria-t-elle, en
rougissant de dépit et de colère, mais cette fois contre Guignard. M’avoir
navrée et désolée à ce point par ses menteries ! Je le vais chasser meshui
de devant mes yeux !
    — Ha ! Mamie, dis-je enfin en lui prenant les
mains et en les couvrant de baisers. Gardez-vous-en bien ! La confession
est un pistolet chargé que le pénitent confie contre soi à son confesseur.
Guignard a reçu de vous trop de gages pour que vous puissiez tant hasarder que
de vous brouiller avec lui. Recevez-le comme devant mais ne lui confiez que
broutilles et décroyez dévotement tout ce qu’il vous dira. Toutefois,
faites-lui bonne face !
    — Bonne face, moi ! s’écria-t-elle. Ha ! mon Pierre,
oubliez-vous que je suis la moins hypocritesse et chattemitesse créature de la
création !
    — Madame, n’aimez-vous pas votre fils ?
    — Si fait !
    — Et moi aussi, quelque peu ?
    — Quelque peu, dit-elle en souriant.
    — Alors, mamie, il faut apprendre à contrefeindre pour
protéger ceux que vous aimez.
    — Quoi ! dit-elle en riant. Vous protéger !
Passe encore pour mon fils qui est si béjaune demeuré. Mais vous, mon
Pierre ! Vous qui êtes si adroit et profond dans la conduite de la
vie !
    À quoi je ne répondis mot, mais posant ma tête entre ses
deux tétins, et y faisant mon nid, en silence je l’envisageai de bas en haut,
tandis qu’elle me baignait de son doux regard.
     
     
    Deux ou trois jours après mon raccommodement avec
Catherine – lequel m’avait appris peu sur les femmes, mais prou sur les
jésuites et la façon dont ils dirigeaient les naïves consciences qui se
confiaient à eux –, j’ouïs dire que lesdits jésuites avaient obtenu du
parlement grâce à l’intervention de M. d’O, gouverneur de Paris (lequel les
soutenait beaucoup), que leur cause contre l’Université et les curés de Paris
fût jugée à huis clos, ce qui ne laissa pas que de me contrarier, pour ce qu’il
me fallait à force forcée assister aux débats afin que d’en rendre compte à
Sa Majesté et que je noulus dire à M. d’O que le roi m’avait confié
cette mission, le sachant sur les jésuites d’un sentiment bien différent du
mien.
    J’allai donc trouver M. d’O, lequel me reçut couché,
souffrant d’une rétention d’urine qui le faisait pâtir prou et n’améliorait pas
son humeur, laquelle, de par sa naturelle disposition, était jà difficile et
escalabreuse. Et en effet, il me reçut assez mal, et me dit tout à plat que le
huis clos serait le huis clos, et que le parlement n’y ferait aucune exception,
pas même pour un prince du sang. Là-dessus, comme je me rebéquais quelque peu,
il me montra une lettre écrite de Laon par le roi au chancelier de Cheverny, où
Sa Majesté espérait que les

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