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La pique du jour

La pique du jour

Titel: La pique du jour Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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coude sur la coite
et en envisageant le charmant désordre où nos tumultes l’avaient laissée, vous
me devez de présent le nom de ce renardier artificier qui par ses brouilleries
creusa entre nous cet estrangement qui faillit nous être fatal.
    — Mon Pierre, dit la duchesse, la plus grande mésaise
se lisant dans son œil bleu, cet homme ne vous connaît point et vous ne l’avez
vous-même jamais encontré. Il a cité votre nom et votre commerce avec cette
souillon comme un exemple de la décadence des mœurs, et il n’a pas eu par ce
propos, j’en suis sûre, l’intention de vous nuire.
    — Mon ange, votre naïveté me ravit, mais je serai
certain, quant à moi, qu’il n’y a pas eu malévolence que lorsque je connaîtrai
son nom.
    — Mon Pierre, excusez-moi, mais je n’ai pas l’intention
de vous le dire.
    — Madame, nourrissez-vous pour ce gautier une si grande
amitié ?
    — Mais point du tout, dit-elle en riant, et ne me
madamez pas, je vous prie. Je n’ai pour lui que le respect dû…
    — À quoi, Mamie ?
    — À sa fonction.
    — Mon ange, si vous craignez qu’au su de son nom,
j’aille, comme j’ai dit, lui couper la gorge, chassez cette crainte. Je ne le
pourrai faire sans vous compromettre. Adonc, je ne le ferai pas.
    — Je n’avais pas cette crainte, dit-elle avec un petit
brillement de son œil bleu. Le guillaume appartient à un état auquel votre épée
ne peut atteindre.
    — Quoi ? Un prince ? dis-je.
    — Nenni ! Nenni ! dit-elle en riant, tout le
rebours !
    — Adonc, dis-je, un roturier dont la fonction vous
inspire quelque respect. Se peut un homme de robe ?
    Mais voyant quelle ne bronchait pas, et me ramentevant tout
soudain que Fogacer avait appris des clercs qui entouraient
Mgr Du Perron mon advenue en Paris avec Louison dans mes bagages, je
collai mon œil au sien.
    — Se peut un prêtre ? dis-je d’un air connivent,
comme si je savais son nom jà.
    — Ha ! mon Pierre ! dit-elle avec une petite
mine des plus charmantes, je suis trop simplette, ou vous avez trop d’esprit,
pour que je vous peuve rien cacher.
    — Mamie, dis-je, vous n’êtes pas simplette. Vous avez
plus que votre part de féminine finesse. Votre seul errement est d’être naïve
assez pour cuider que le monde entier est aussi bon et bénin que vous. Touchant
ledit guillaume, repris-je, taquiné qu’elle ne m’eût pas encore dit son nom,
qui vous donne à penser qu’il ne me veut point de mal ?
    — Mais, c’est qu’il a parlé tout innocemment et sans du
tout connaître mon commerce avec vous.
    — Quoi ? dis-je, poussant ma pointe, ne lui
avez-vous pas dit en confession ?
    Si hasardeuse que fût cette botte, elle ne faillit pas. Ma
Catherine se découvrit.
    — Ha ! mon Pierre, cria-t-elle comme indignée, me
croyez-vous si sottarde ? Pour lui vous êtes « un gentilhomme de bon
lieu », et c’est tout.
    Tiens donc ! m’apensai-je en baissant la paupière, le
pot aux roses découvert, c’est l’épine qui apparaît. Le père Guignard ! Le
révérend père Guignard ! Le confesseur des opinions probables, si
souple et si accommodant ! Mais touchant le marquis de Siorac, tout
soudain le censeur austère, m’accablant et comme dit mon ange, innocemment.
Innocent, un jésuite ! Dieu bon !
    — Mon Pierre, dit-elle, vous voilà bien grave tout
soudain.
    — Mon ange, c’est que j’ai une question de la plus
grande conséquence à vous poser. Avez-vous vu une de vos chambrières
conciliabuler avec le père Guignard ?
    — Oui-da, dit-elle en fronçant son mignon sourcil, j’ai
vu le père échanger plus d’une fois quelques mots avec Corinne, et ce très à la
discrétion. Faut-il la congédier ?
    — Mais point du tout, dis-je. Envoyez-la à votre maison
des champs. Et faites passer le mot parmi vos gens qu’elle a été trop bavarde.
Cela leur mettra puce au poitrail de ne point l’être du tout avec vos
visiteurs. Une question encore, mon ange. Qu’opinionne le père Guignard sur les
négociations entre Monsieur votre fils et le roi touchant la reddition de
Reims ?
    — Qu’il faut que mon fils soit très ferme sur ses
requêtes et que le roi ne peut manquer de lui céder.
    — Mamie, savez-vous ce qu’il en est de ces requêtes du
prince de Joinville ?
    — Nenni.
    — Je vous le vais dire : Il exige de recevoir ce
que possédaient son père et son oncle, devant que l’un et l’autre fussent occis
à Blois, à savoir :

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