La Prison d'Édimbourg
étendait ses deux mains qui ressemblaient aux griffes du dragon de saint Georges sur une enseigne de cabaret de village.
– Mais que veut-elle enfin ? dit le magistrat impatienté. Qu’elle s’explique, ou qu’on la fasse retirer.
– Je veux ma fille, Madge Murdockson, s’écria la commère en mettant son aigre voix à son plus haut diapason ; n’y a-t-il pas une demi-heure que je vous le dis ? – Si vous êtes sourd, qu’est-ce que vous faites ici ? Est-on obligé de s’égosiller pour se faire entendre ?
– Monsieur, dit l’officier qui s’était déjà attiré son animadversion, elle demande sa fille qui avait été arrêtée comme suspecte d’avoir pris une part active dans l’affaire de Porteous. On l’a retrouvée la nuit dernière dans les rues d’Édimbourg, chantant des ballades à une heure indue et troublant le repos public ; et comme on ignorait si sa mise en liberté avait été ordonnée, et qu’il était trop tard pour déranger M. le procureur fiscal, on l’a reconduite en prison. C’est cette fille qu’on nomme Madge Wildfire.
– Madge Hell-Fire ! s’écria la mère : et qui êtes-vous donc pour donner des sobriquets à la fille d’une honnête femme ?
– La fille d’une honnête femme, Madge ! répéta l’officier de paix en appuyant sur l’épithète avec un accent ironique et un sang-froid propre à exciter au plus haut degré la fureur de la vieille mégère.
– Si je ne le suis plus, je l’ai été, répliqua-t-elle, et c’est plus que vous n’en pourriez dire, vous qui, né voleur, n’avez jamais su distinguer le bien d’autrui du vôtre, depuis le jour que vous êtes sorti de votre œuf. – Honnête ! vous n’aviez que cinq ans quand vous avez volé douze sous d’Écosse dans la poche de votre mère, disant adieu à votre père, au pied de la potence.
– Attrape, Georges ! s’écrièrent ses camarades, et le rire fut général, car le sarcasme était approprié au lieu où il était prononcé. Cet applaudissement général satisfit un moment la vieille sorcière : ses traits renfrognés se déridèrent ; elle sourit même, mais ce fut le sourire d’un amer dédain ; apaisée cependant par le succès de sa saillie, elle condescendit à expliquer son affaire un peu plus clairement, quand le magistrat, commandant le silence, daigna encore une fois l’inviter à parler de manière à être entendue, ou à se retirer.
– Ma fille est ma fille, dit-elle, et si elle n’a pas autant d’esprit que les autres, c’est que les autres n’ont pas souffert ce qu’elle a souffert. Mais ce n’est pas une raison pour qu’on la retienne entre les quatre murs d’une prison. Je puis prouver par cinquante témoins, et cinquante autres s’il le faut, qu’elle n’a jamais vu Jean Porteous mort ou vif, depuis qu’il lui a donné un coup de canne pour avoir jeté un chat mort sur la perruque du lord-prévôt, le jour de la naissance de l’électeur de Hanovre.
Malgré l’air misérable et le ton grossier de cette femme, le magistrat sentit que sa demande était juste et qu’elle pouvait aimer sa fille autant qu’une mère riche et mieux élevée aimerait la sienne. Il se fit donc représenter toutes les pièces relatives à l’affaire de Porteous, et voyant qu’il était constant que Madge Murdockson, ou Wildfire, n’avait pris aucune part à l’insurrection, et que c’était un autre qui avait paru sous son nom et ses habits, il ordonna qu’on la rendît à sa mère, et il se contenta de recommander aux officiers de police d’avoir les yeux ouverts sur leur conduite.
Pendant qu’on était allé chercher Madge dans la prison, M. Middleburgh tâcha de découvrir si la mère était pour quelque chose dans le prêt que la fille avait fait de ses habits à Robertson. Mais il ne put en obtenir aucun éclaircissement. Elle persista à déclarer qu’elle n’avait pas vu Robertson depuis le jour où il s’était échappé, grâce à Wilson, à la fin du service divin, et que si sa fille lui avait donné ses habits, ce ne pouvait être que pendant qu’elle était au hameau de Duddingstone, où elle prouverait qu’elle avait passé toute la nuit de l’insurrection.
Un officier de police attesta la vérité de cette déclaration. Ayant fait, cette nuit, des visites domiciliaires à Duddingstone, pour y retrouver du linge volé, il avait rencontré Meg Murdockson chez une blanchisseuse, et sa présence lui avait rendu la
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