La Prison d'Édimbourg
préparatifs lorsque nous traversions Grassmarket pour aller à l’école. Pendant la nuit qui suivait l’exécution, le gibet disparaissait, et on le replaçait dans l’asile obscur et silencieux où il était ordinairement déposé, c’est-à-dire sous les voûtes souterraines de Parliament-House, où se tenaient les cours de justice. Aujourd’hui les exécutions se font à Édimbourg de la même manière qu’à Londres {15} . Ce changement est-il avantageux ? c’est ce dont il est permis de douter. Il est bien vrai que les souffrances morales du condamné se trouvent abrégées. Il n’a plus à parcourir une grande partie de la ville, vêtu de ses habits de mort, entre les ministres qui l’exhortent, et semblable déjà à un cadavre ambulant, quoique encore habitant de ce monde mais, comme le principal but de la punition du crime est de le prévenir, il est à craindre qu’en abrégeant la durée de ce spectacle terrible, on n’ait diminué en partie l’impression qu’il produisait sur les spectateurs, seul résultat utile qui puisse, généralement parlant, justifier la peine capitale.
Le 7 septembre 1736, cet appareil sinistre était dressé sur la place dont nous venons de parler, et remplie de très bonne heure de différens groupes. Tous les regards se dirigeaient vers le gibet avec cet air de satisfaction et de vengeance si rare parmi la populace, dont le bon naturel oublie le plus souvent le crime du condamné, pour ne plus s’occuper que de son infortune. L’histoire du fait qui avait donné lieu à la condamnation du coupable dont le peuple attendait l’exécution est un peu longue ; mais il est nécessaire d’en tracer au moins les principaux détails, qui ne seront peut-être pas sans quelque intérêt, même pour ceux qui en ont déjà entendu parler. D’ailleurs, ils sont indispensables pour l’intelligence des évènemens subséquens.
Quoique la contrebande sape la base de tout gouvernement légitime en diminuant ses revenus, quoiqu’elle nuise au négociant honnête, et qu’elle corrompe souvent le cœur de ceux qui s’y livrent, elle n’est pourtant pas regardée sous un jour très odieux, ni par le peuple, ni même par les gens d’une condition plus relevée. Dans les comtés d’Écosse où elle a principalement lieu, les paysans les plus hardis et les plus intelligens s’en occupent très-activement, et souvent même sont secrètement favorisés par les fermiers et par les petits gentilshommes de campagne. Elle était presque générale en Écosse sous les règnes de George I er et de George II ; le peuple n’étant pas accoutumé aux impôts, les regardait comme attentatoires à ses anciennes franchises, et ne se faisait pas scrupule d’en éluder le paiement par tous les moyens possibles.
Le comté de Fife, bordé par deux bras de mer au sud et au nord, et par la mer du côté de l’est, avec un grand nombre de petits ports, était un des cantons où la contrebande se faisait avec le plus de succès. Il s’y trouvait beaucoup de marins qui avaient été pirates ou boucaniers dans leur jeunesse ; on n’y manquait donc pas d’aventuriers entreprenans qui s’occupaient de ce commerce. Les officiers de la douane avaient surtout les yeux ouverts sur un nommé André Wilson, autrefois boulanger dans le village de Pathhead. C’était un homme vigoureux, doué d’autant de courage que d’adresse, connaissant parfaitement toute la côte, et capable de conduire les entreprises les plus hasardeuses. Il avait souvent réussi à mettre en défaut la vigilance et les poursuites des officiers du roi ; mais il fut surveillé de si près, qu’il se trouva ruiné par plusieurs saisies successives. Cet homme devint désespéré.
Il se regarda comme volé et pillé, et il se mit dans la tête qu’il avait le droit d’user de représailles s’il en trouvait l’occasion. Celle de faire le mal ne manque jamais de se présenter quand on la cherche. Wilson apprit un jour que le receveur des douanes de Kirkaldy était en tournée à Pittenweem et qu’il avait en sa possession une somme assez considérable des deniers publics. Cette somme ne dépassait pas la valeur des marchandises qui lui avaient été saisies, et il forma le projet de s’en emparer pour s’indemniser de ses pertes aux dépens du receveur et de la douane. Il s’associa un nommé Robertson et deux autres jeunes gens qui faisaient le même métier que lui, et parvint à leur faire envisager son
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