La Prison d'Édimbourg
entreprise sous le même jour qu’il la voyait lui-même. Ils épièrent les mouvemens du receveur, forcèrent la maison où il logeait, – et Wilson monta dans la chambre avec deux de ses complices, tandis que le quatrième, Robertson, restait à la porte, avec un grand coutelas à la main, pour empêcher qu’on ne vînt à son secours. Le douanier, croyant sa vie menacée, n’eut que le temps de se sauver en chemise par une fenêtre. Wilson ne trouva donc aucune difficulté à s’emparer de près de deux cents livres sterling appartenant au trésor public. Ce vol fut commis avec une singulière audace, car plusieurs personnes passaient en ce moment dans la rue. Mais Robertson leur disant que le bruit qu’elles entendaient venait d’une dispute entre le receveur et les gens de la maison, les honnêtes citoyens de Pittenweem ne se crurent pas appelés à se mêler des intérêts de l’officier de la douane, et, se contentant de ce récit superficiel de l’affaire, passèrent leur chemin comme le lévite de la parabole. L’alarme fut enfin donnée : un détachement de soldats fut appelé, se mit à la poursuite des voleurs, leur reprit le butin, et réussit à arrêter Wilson et Robertson, qui furent mis en jugement et condamnés à mort sur le témoignage d’un de leurs complices.
Bien des gens s’imaginaient qu’attendu que ces malheureux avaient envisagé sous un faux point de vue le crime qu’ils avaient commis, on ne les condamnerait pas à la peine capitale ; mais le gouvernement jugea qu’un exemple de sévérité était indispensable. Quand on ne put douter que la condamnation à mort ne dût être exécutée, des amis trouvèrent le moyen de faire passer une lime aux prisonniers. Ils scièrent un des barreaux de fer qui grillaient leur fenêtre, et ils se seraient échappés sans l’obstination de Wilson, dont le caractère était aussi opiniâtre que résolu. Son camarade Robertson, jeune homme d’une taille déliée, voulait passer le premier, et élargir la brèche à l’extérieur pour faciliter l’évasion de Wilson, qui était puissant et chargé d’embonpoint. Celui-ci n’y voulut jamais consentir, et s’engagea tellement entre les barreaux restans, qu’il lui devint impossible de sortir de la chambre et même d’y rentrer. Il en résulta que leur tentative d’évasion fut découverte, et que le geôlier prit des mesures pour qu’ils n’en pussent faire une seconde.
Robertson ne fit pas un reproche à son camarade, mais Wilson s’en faisait assez à lui-même. Il savait que sans lui Robertson n’aurait pas commis l’action pour laquelle ils avaient été condamnés à mort, et que sans lui il se serait bien certainement échappé de prison. Des esprits comme celui de Wilson, quoique plus souvent occupés de projets criminels, sont quelquefois susceptibles de générosité. Il ne s’occupa plus que des moyens de sauver la vie de son compagnon, sans songer un instant à la sienne. Le plan qu’il adopta pour y parvenir, et la manière dont il l’exécuta, furent vraiment extraordinaires.
Près de la Tolbooth ou prison municipale d’Édimbourg est une des trois églises qui forment aujourd’hui la division de la cathédrale de Saint-Gile, et qu’à cause de son voisinage on nomme l’église de la Tolbooth. C’était l’usage que le dimanche qui précédait le jour fixé pour l’exécution des criminels condamnés à mort, on les conduisît sous bonne escorte pour les faire assister aux prières publiques. On supposait que ces malheureux, quelque endurcis qu’ils fussent dans le crime, pouvaient se laisser attendrir en se trouvant pour la dernière fois réunis avec leurs semblables pour offrir leurs hommages à leur Créateur, et l’on croyait aussi que la vue de gens qui étaient si près de paraître devant le tribunal de la justice divine pouvait inspirer des réflexions salutaires au reste de l’auditoire ; mais cette coutume a cessé d’être observée depuis l’événement que nous allons rapporter.
Le ministre qui prêchait ce jour-là dans l’église de la Tolbooth venait de finir un discours pathétique, adressé en grande partie aux deux malheureux, Wilson et Robertson, qui étaient assis sans être chargés de fers dans un banc particulier, mais placés chacun entre deux soldats de la garde de la ville chargés de veiller sur eux. Il venait de leur rappeler que la prochaine assemblée où ils se trouveraient serait celle des justes ou des
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