La Prison d'Édimbourg
pénible de tout ; – si je puis surmonter la douleur de ce moment. – Je sens ma tête qui se trouble ; mais mon divin maître est fort, si son serviteur est faible. – Après une courte prière mentale, il se releva, comme incapable, dans son impatience, de garder long-temps la même posture, et peu à peu il se retrouva à la place qu’il avait quittée.
Jeanie cependant s’était avancée vers la table, et, ne pouvant contenir son affection, elle tendit tout-à-coup la main à sa sœur. Effie était à si peu de distance, qu’elle put la saisir avec les siennes, l’approcher de ses lèvres, la couvrir de baisers, et la mouiller de ses larmes avec la tendre dévotion qu’éprouve un catholique pour l’ange gardien descendu des cieux pour le sauver. Jeanie, se cachant le visage avec son autre main, pleurait amèrement. Cette vue aurait touché un cœur de pierre : plusieurs des spectateurs répandirent des larmes, et il se passa quelque temps avant que le président lui-même fût assez maître de son émotion pour dire au témoin de se calmer, et à la prisonnière de s’abstenir de ces marques d’affection, qui, quoique bien naturelles, ne pouvaient lui être permises en ce moment.
Il lui fit alors prêter le serment solennel – de dire la vérité, de ne rien cacher de la vérité sur tout ce qu’elle savait, sur tout ce qui lui serait demandé, et comme elle répondrait à Dieu même le jour du jugement : serment auguste qui manque rarement de faire impression sur les hommes les plus corrompus, et qui pénètre les plus justes d’une crainte respectueuse. Jeanie le répéta à voix basse, mais distincte, après le président qui lui en dictait les termes ; car, dans les cours d’Écosse, c’est lui, et non un officier inférieur de justice, qui est chargé de guider le témoin dans cet appel solennel, véritable sanction de son témoignage. Élevée dans la crainte de la Divinité, Jeanie ne put le prononcer sans une vive émotion, et elle sentit une force intérieure qui l’élevait au-dessus de toutes les affections terrestres, et qui ne lui permettait de penser qu’à celui dont elle venait de prendre le nom à témoin de la vérité de ce qu’elle allait dire.
L’importance dont devait être son témoignage détermina le président à lui adresser quelques mots.
– Jeune femme, lui dit-il, il est de mon devoir de vous dire que, quelles qu’en puissent être les conséquences, la vérité est ce que vous devez à votre pays, à la cour, à vous-même et au Dieu dont vous venez d’invoquer le nom. Prenez le temps qui vous sera nécessaire pour répondre aux questions qui vont vous être faites par cet avocat (montrant l’avocat d’Effie) ; mais n’oubliez pas que, si vous vous écartez de la vérité, vous en répondrez dans ce monde et dans l’autre.
On lui fit ensuite les questions d’usage, si elle n’était influencée ni par les promesses ni par les menaces de qui que ce fût : si personne ne lui avait dicté la déclaration qu’elle venait faire ; enfin, si elle n’avait ni haine ni ressentiment contre l’avocat de Sa Majesté, contre lequel elle était citée en témoignage : demandes auxquelles elle répondit tour à tour négativement, mais qui scandalisèrent le vieux Deans, ignorant que c’était une affaire de forme.
– Ne craignez rien ! s’écria-t-il assez haut pour être entendu, ma fille n’est pas comme la veuve de Tékoah ! personne n’a mis des paroles dans sa bouche.
Un des juges, qui connaissait peut-être les livres des procès-verbaux mieux que le livre de Samuel, demanda tout bas au président s’il ne conviendrait pas de faire une enquête contre cette veuve qui lui paraissait être une suborneuse de témoin ; mais le sage président, plus versé dans la connaissance de l’Écriture, fit tout bas à son savant confrère l’explication de cette phrase. Le délai qu’occasiona cet incident procura à Jeanie Deans les moyens de recueillir ses forces pour la tâche pénible qu’elle avait à remplir.
Fairbrother, qui ne manquait ni de pratique ni d’intelligence, vit la nécessité de donner à Jeanie le temps de retrouver toute sa présence d’esprit. Il avait quelque soupçon qu’elle venait rendre un faux témoignage pour sauver la vie de sa sœur. – Mais après tout, pensait-il, c’est son affaire ; la mienne est de lui donner le temps de se remettre de son agitation, afin qu’elle puisse répondre
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