La Prison d'Édimbourg
souvent, la déclaration de l’accusée était le témoignage le plus sévère contre elle-même.
Dans le cas où ces contes viendraient à être lus au-delà des frontières d’Écosse, il est bon d’informer nos lecteurs qu’il est d’usage en ce pays, lorsque quelqu’un est arrêté sur une présomption de crime, de lui faire subir un interrogatoire judiciaire devant un magistrat. Il n’est obligé de répondre à aucune des questions qu’on lui fait, et il peut garder le silence s’il juge qu’il soit de son intérêt de le faire. Mais toutes ses réponses sont constatées par écrite signées par lui et par le magistrat, et on les produit contre lui lors de son jugement. Il est bien vrai que ces réponses ne sont pas produites comme des preuves directes de son crime, mais seulement comme venant à l’appui de celles qu’on a obtenues d’ailleurs. Malgré cette distinction subtile, introduite par les praticiens pour concilier cette forme de procédure avec cette règle générale qu’un homme ne peut porter témoignage contre lui-même, il arrive souvent que ces déclarations deviennent des moyens puissans contre l’accusé, qui se trouve pour ainsi dire condamné par sa propre bouche. Le prévenu, comme nous l’avons déjà dit, a le droit de garder le silence, mais il use rarement de cette faculté, parce qu’il sent que le refus de répondre à des questions qui lui sont faites par une autorité légale augmente les soupçons déjà conçus contre lui, et qu’il espère, par une apparence de franchise et par des déclarations spécieuses, déterminer le juge à le remettre en liberté. Mais, soit en disant un peu trop la vérité, soit en y substituant une fiction, l’accusé s’expose souvent à des contradictions, qui fournissent des armes contre lui dans l’esprit des jurés.
La déclaration d’Effie Deans fut faite d’après d’autres principes ; nous allons la citer ici dans les formes judiciaires, et telle qu’on la trouve au registre de la cour.
La prévenue avoue une intrigue criminelle avec un individu dont elle désire cacher le nom. – Étant interrogée sur ses raisons pour garder le secret sur ce point ; elle a déclaré qu’elle n’avait pas le droit de blâmer la conduite de la personne plus que la sienne propre, qu’elle voulait bien avouer sa faute, mais ne rien dire qui pût compromettre un absent. Interrogée si elle avait avoué sa situation à quelqu’un, ou préparé ses couches ; déclare que non : et étant interrogée, pourquoi elle s’abstint de faire ce que sa situation exigeait si impérieusement ; déclare qu’elle était honteuse de parler à ses amis, et qu’elle espérait que la personne mentionnée par elle pourvoirait à ses besoins et à ceux de son enfant. Interrogée si la personne le fit ; déclare que la personne ne le fit pas elle-même ; mais que ce ne fut pas sa faute, car la prévenue est certaine qu’il aurait donné sa vie pour son enfant et pour elle. Interrogée sur les causes qui l’avaient empêché de tenir sa promesse ; déclare qu’il lui était impossible de le faire, et refuse de répondre davantage à cette question. Interrogée où elle avait été depuis le temps qu’elle avait quitté la maison de son maître, M. Saddletree, jusqu’à son retour chez son père la veille du jour de son arrestation ; déclare ne pas s’en souvenir. Et l’interrogation étant réitérée ; déclare qu’elle dira la vérité, même pour sa perte, tant qu’on ne l’interrogera pas sur les autres, et reconnaît avoir passé ce temps-là dans la maison d’une femme de la connaissance de celui qui lui avait indiqué cet endroit pour y accoucher, et que là elle avait mis au monde un enfant mâle. Interrogée sur le nom de cette femme ; déclare qu’elle refuse de répondre. Interrogée sur le lieu où elle demeure ; déclare qu’elle n’en est pas certaine ; il était nuit quand elle l’avait conduite chez elle. Interrogée si c’était dans la ville, ou dans les faubourgs ; déclare qu’elle refuse de répondre à cette question. Interrogée si en quittant la maison de M. Saddletree, elle monta ou descendit la rue ; déclare qu’elle refuse de répondre à cette question. Interrogée si elle avait jamais vu la femme avant d’être dirigée chez elle par la personne dont elle refuse de dire le nom ; déclare et répond qu’elle ne croit pas l’avoir jamais vue. Interrogée si cette femme lui fut
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