La Prison d'Édimbourg
ministre et Duncan de Knockdunder, reconnaissant que son digne substitut était quelquefois trop opiniâtre dans ses opinions, et trop énergique dans ses mesures exécutives.
– Il est vrai, dit Butler ; et quoique je lui rende la justice qu’il mérite sur tout autre point, je sais que bien des gens dans la paroisse pourraient lui appliquer les paroles du poète à Marrucimis Asinius :
Manu
Non belle uteris in joco atque vino.
La conversation n’ayant plus roulé que sur des affaires de paroisse, nous ne croyons pas qu’elle puisse intéresser plus long-temps nos lecteurs.
CHAPITRE XLIX.
« À quoi bon sur ma tête ont-ils mis la couronne,
» À quoi bon dans mes mains le sceptre qu’on me donne ?
» Un étranger viendra les arracher un jour,
» Et je n’ai point de fils qui les porte à son tour ! »
Macbeth.
Depuis ce temps les deux sœurs, en prenant les plus grandes précautions pour que leur correspondance ne pût être découverte, continuèrent à s’écrire environ deux fois par an. Les lettres de lady Staunton annonçaient toujours que la santé et l’esprit de son mari étaient dans un état fâcheux. Elle n’avait pas d’enfans, et c’était un des sujets sur lesquels elle s’étendait ordinairement davantage. Sir Georges Staunton, d’un caractère toujours violent, avait conçu une sorte d’aversion pour un parent assez éloigné qui devait naturellement hériter après lui du domaine de Willingham, et qu’il soupçonnait de lui avoir rendu autrefois de mauvais services auprès de son père et de son oncle ; et il avait juré qu’il léguerait tous ses biens à un hôpital plutôt que de souffrir qu’il en possédât jamais la moindre partie.
– S’il avait un enfant, disait la malheureuse femme, si du moins celui dont la destinée nous est inconnue vivait encore, ce serait un lien qui l’attacherait à la vie ; mais le ciel nous a refusé une consolation que nous ne méritons point.
De telles plaintes, variées quant à la forme, mais roulant souvent sur le même sujet, remplissaient toutes les lettres qui partaient du triste et vaste château de Willingham pour le tranquille et heureux presbytère de Knocktarlity. Cependant les années s’écoulaient. Le duc d’Argyle mourut en 1743, universellement regretté, surtout par les Butlers, pour lesquels il avait été le plus généreux bienfaiteur. Comme il ne laissait pas d’enfans mâles, son titre et ses biens passèrent à son frère Archibald, qui continua à leur accorder la bienveillance dont son frère leur avait donné tant de preuves, mais avec lequel ils ne furent jamais dans la même intimité. La protection de ce seigneur leur devint même plus nécessaire que jamais ; car, après la rébellion de 1745, et la dispersion des révoltés, la tranquillité du pays fut troublée par des vagabonds et des maraudeurs qui vinrent se réfugier sur les confins du pays des montagnards, où ils trouvaient des retraites dans lesquelles il n’était facile ni de les poursuivre ni de les surprendre, et d’où ils exerçaient des brigandages dans les environs, aujourd’hui si paisibles, de Perth, de Stirling et de Dumbarton.
Le plus grand fléau de la paroisse de Knocktarlity était un certain Donacha Dhu, ou Dunaig, ou le noir Duncan-le-Mauvais, dont nous avons déjà dit un mot. Ce bandit avait été autrefois un chaudronnier ambulant ; mais quand une guerre civile s’alluma, il renonça à cette profession, et de demi-voleur devint tout-à-fait brigand. À la tête de trois ou quatre jeunes gens déterminés, étant lui-même actif, vigoureux, intrépide, et connaissant parfaitement les défilés des montagnes, il exerça son nouveau métier avec beaucoup de succès, et se rendit redoutable à tout le voisinage.
Chacun était convaincu que Duncan de Knockdunder aurait pu facilement mettre un terme aux déprédations de son homonyme Donacha, et s’emparer de sa personne, car il y avait dans la paroisse plusieurs jeunes gens de bonne volonté qui, ayant servi dans la guerre civile, sous les bannières du duc d’Argyle, s’y étaient distingués, et n’auraient pas demandé mieux que de contribuer à en délivrer le pays. Comme on savait que Duncan, qui aurait dû leur servir de chef, ne manquait pas de courage, on supposait généralement que Donacha avait trouvé le moyen de s’assurer de sa protection tacite ; ce qui n’était pas rare dans ce pays et dans ce temps. On était d’autant
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