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La Prison d'Édimbourg

La Prison d'Édimbourg

Titel: La Prison d'Édimbourg Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Walter Scott
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que la honte d’une mort prématurée ; puis qu’elle avait revue à Roseneath, sur le bord de la mer, prête à se condamner à un douloureux exil, et la femme pleine d’élégance, de bon ton et de grâces qu’elle avait devant les yeux. Sa sœur avait ôté son voile, et ses traits lui paraissaient moins changés que l’expression de sa physionomie, sa tournure et ses manières. À en juger par l’extérieur de lady Staunton, il semblait que le chagrin ne pouvait avoir même effleuré une femme si délicate, habituée comme elle l’était à voir chacun s’empresser de satisfaire tous ses caprices, et à lui épargner presque la peine de former un désir ; une femme qui, n’ayant jamais éprouvé la moindre contradiction, n’employait même pas un ton d’autorité, puisqu’elle ne pouvait laisser percer un souhait qu’il ne fût déjà accompli. Dès que le jour commença à tomber, elle se hâta de se débarrasser de Duncan, sans cérémonie ; et, sous prétexte de la fatigue, elle l’éconduisit avec un air de nonchalance.
    Lorsque les deux sœurs furent seules, Jeanie ne put s’empêcher de témoigner sa surprise du sang-froid et de l’aisance avec laquelle lady Staunton soutenait son rôle.
    – Je conçois votre étonnement, dit lady Staunton avec son calme ordinaire ; car vous, ma chère Jeanie, depuis le berceau vous avez toujours été la vérité même ; mais rappelez-vous que ce n’est pas aujourd’hui mon début : voilà quinze ans que je vis dans la feinte ! n’ai-je pas eu bien le temps de m’identifier avec le rôle que j’ai à remplir ?
    Dans les deux ou trois premiers jours, au milieu de l’effusion des sentimens occasionés par une réunion si désirée, mistress Butler trouvait que les manières de sa sœur étaient entièrement en contradiction avec le ton de tristesse et d’abattement qui régnait dans toutes ses lettres. Il est vrai qu’elle fut émue jusqu’aux larmes à la vue du tombeau de son père, indiqué par une simple inscription qui rappelait sa piété et son intégrité ; mais des souvenirs plus rians, des impressions plus frivoles avaient aussi leur influence sur son esprit : elle s’amusait à visiter la laiterie, et en voyant les travaux qu’elle avait si long-temps partagés avec sa sœur, il s’en fallut de peu qu’elle ne se découvrît à May Hettly, pour montrer qu’elle connaissait la fameuse recette du fromage de Dunlop. Aussi elle ne put s’empêcher de se comparer à Bredreddin Hassan, que le visir, son beau-père, reconnut à son talent extraordinaire pour faire des tartes à la crème dans lesquelles il mettait du poivre.
    Mais lorsque la nouveauté de ces distractions eut cessé de l’amuser, elle ne montra que trop clairement à sa sœur que les brillans dehors sous lesquels elle cachait son malheur ressemblaient au bel uniforme du soldat lorsqu’il couvre une blessure mortelle. Il y avait des momens où son abattement semblait aller même au-delà de celui qu’elle avait décrit dans ses lettres, et prouvait à mistress Butler que le sort de sa sœur, si séduisant en apparence, était en réalité peu digne d’envie.
    Il existait cependant pour lady Staunton une source de plaisir sans mélange : douée d’une imagination plus vive que celle de Jeanie, elle admirait avec enthousiasme les beautés de la nature, goût qui compense bien des chagrins pour ceux qui le possèdent. On ne reconnaissait plus la grande dame lorsqu’elle aurait dû,
    À chaque précipice, à chaque grotte obscure,
    Pousser des cris d’horreur, comme si son regard
    Apercevait soudain un spectre à l’air hagard.
    Au contraire, lady Staunton ne craignait pas d’entreprendre, avec ses deux neveux pour guides, des promenades longues et fatigantes sur les montagnes des environs, pour voir des lacs, des vallées, des torrens, et toutes les beautés que la nature avait cachées dans leurs profondeurs. C’est, je crois, Wordsworth qui, parlant d’un vieillard dans des circonstances pénibles, remarque avec une connaissance parfaite de la nature :
    Était-ce le chagrin qui doublait sa vigueur ?
    Dieu seul peut le savoir. Jusqu’à sa dernière heure,
    D’Ennerdale ce fut le plus hardi marcheur.
    C’était ainsi que languissante, distraite et malheureuse, jetant même parfois un regard presque dédaigneux sur le rustique ameublement de la maison de sa sœur, mais s’efforçant tout aussitôt de réparer ses accès d’humeur boudeuse par

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