La Prison d'Édimbourg
pénétra jusqu’au fond de son cœur. Il y avait plus de sa sœur dans ce seul mot Effie , que dans tout ce qu’elle avait remarqué dans le son de voix, dans les traits et les manières de la dame étrangère.
Quand ils furent arrivés à la manse, la dame remit à mistress Butler la lettre qu’elle avait retirée des mains de Knockdunder ; et lui pressant la main en la lui donnant, elle ajouta : – Peut-être, madame, aurez-vous la bonté de me faire donner un peu de lait ?
– Et à moi une goutte de la barbe-grise {137} , mistress Butler, ajouta Duncan.
Jeanie se retira, et ayant chargé la bonne May Hettly et son fils aîné David de pourvoir aux désirs de ses hôtes, elle monta dans sa chambre pour lire la lettre. Elle était sous enveloppe, et l’adresse était de l’écriture du duc d’Argyle. Il lui mandait d’avoir tous les soins et toutes les attentions possibles pour une dame de haut rang, amie particulière de feu son frère, lady Staunton de Willingham, qui, tandis que son mari allait faire une courte excursion en Écosse, devait lui faire l’honneur d’habiter sa loge de Roseneath, pour y prendre le petit-lait de chèvre que les médecins lui avaient ordonné.
Mais sous la même enveloppe, qui avait été remise à lady Staunton sans être cachetée, il se trouvait une lettre de cette dame elle-même, dont le but était de préparer sa sœur à cette entrevue, et qu’elle aurait dû recevoir la veille sans la négligence du capitaine. Lady Staunton lui mandait que les nouvelles contenues dans sa dernière lettre avaient paru si intéressantes à son mari, qu’il s’était déterminé à partir sur-le-champ pour l’Écosse, afin de prendre de nouvelles informations sur ce qu’était devenu le malheureux enfant dont la découverte était si importante pour leur bonheur ; enfin qu’à force de prières elle en avait arraché plutôt qu’obtenu la permission de venir passer une semaine ou deux avec sa sœur, tandis qu’il continuerait des recherches sur le succès desquelles elle n’osait compter, mais à condition qu’elle garderait le plus strict incognito, et qu’elle ne laisserait pénétrer son secret par qui que ce fût. Enfin lady Staunton, dans un post-scriptum, disait à Jeanie de lui laisser le soin de tout arranger, et de se contenter d’approuver tout ce qu’elle proposerait.
Après avoir lu et relu cette lettre, mistress Butler se hâta de descendre, partagée entre la crainte de trahir son secret, et le désir de se jeter au cou de sa sœur. Effie la reçut en lui adressant un regard affectueux, mais qui semblait lui recommander la prudence. Elle prit la parole sur-le-champ.
– Je disais à monsieur… au capitaine… à ce gentilhomme, mistress Butler, que si vous pouviez me donner un appartement chez vous, un cabinet à ma femme de chambre, et un logement quelconque à mes deux domestiques, il me conviendrait mieux de rester ici que de m’installer à la Loge que Sa Grâce a eu la bonté de mettre à ma disposition. On m’a recommandé d’habiter le plus près des chèvres qu’il me serait possible.
– J’ai assuré milady, mistress Butler, dit Duncan, que vous vous feriez toujours un plaisir de recevoir les hôtes de Sa Grâce-et les miens ; mais que cependant elle ferait mieux de rester à la Loge. Quant aux chèvres, on peut y faire venir ces créatures ; il vaut mieux les déranger pour milady, que de souffrir que milady se dérange pour elles.
– Je ne veux pas qu’on dérange les chèvres ; je suis sûre que le lait me fera plus de bien en le prenant ici, s’écria lady Staunton d’un air de langueur négligente, et d’un ton de femme habituée à voir tous les raisonnemens céder à sa moindre expression d’humeur.
Mistress Butler s’empressa de dire que sa maison était bien au service de milady.
– Mais le duc m’a écrit… dit le capitaine.
– C’est mon affaire avec Sa Grâce, reprit lady Staunton.
– Mais, milady, tous vos bagages qui sont venus de Glascow…
– Vous me les enverrez ici ; je vous serai même obligée de donner des ordres sur-le-champ pour les faire transporter. Mistress Butler, voulez-vous bien me faire voir l’appartement que vous me destinez ?
À ces mots, elle fit une demi-révérence au capitaine, et se retira avec sa sœur.
– Voilà bien l’impudence anglaise ! dit Knockdunder quand il se trouva seul. De par tous les diables ! elle s’empare de la maison du ministre comme
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