La Prison d'Édimbourg
cause.
– Il y a prescription aujourd’hui pour cette affaire de Porteous, dit le vieux Saddletree, qui était confiné par la goutte sur son fauteuil ; il y a prescription claire et évidente.
– Je ne suis pas de votre avis, voisin, dit Plumdamas ; car j’ai entendu dire qu’il fallait que vingt ans se fussent écoulés pour cela ; or, nous ne sommes qu’en 1751 ; l’affaire de Porteous arriva en 1737, et …
– Vous ne m’apprendrez pas la loi, voisin, à moi qui ai dans ce moment quatre procès à conduire, et qui aurais pu en avoir quatorze, sans ma femme. Je vous dis que le chef des séditieux serait ici à la place où est assis ce seigneur, que l’avocat du roi n’aurait pas le droit de l’arrêter. Il y aurait prescription négative, car la loi dit formellement…
– Allons, taisez-vous, dit mistress Saddletree, et laissez ce monsieur s’asseoir et prendre une tasse de thé.
Mais sir Georges ne désirait pas en entendre davantage ; à sa requête, Butler fit ses excuses à mistress Saddletree, et l’accompagna chez lui. Ils y trouvèrent quelqu’un qui attendait le retour de sir Georges Staunton. C’était encore une vieille connaissance de nos lecteurs, Ratcliffe.
Cet homme avait rempli les fonctions de porte-clefs avec tant de vigilance, de finesse et de fidélité, qu’il s’était élevé graduellement au rang de geôlier en chef, ou capitaine de la prison, et l’on se rappelle encore aujourd’hui que des jeunes gens qui désiraient une société amusante plutôt que choisie, invitaient souvent Ratcliffe à leurs joyeuses réunions, afin de l’entendre raconter les faits extraordinaires de sa vie, l’histoire de ses vols, et la manière dont il s’était tant de fois échappé de prison. Mais il vécut et mourut sans jamais reprendre son premier métier, et il n’y songea jamais qu’en causant le verre à la main {139} .
Un habitant d’Édimbourg l’avait indiqué à sir Georges Staunton comme un homme qui pourrait probablement lui donner des renseignemens sur Annaple Baïlzou, qui, suivant le prétexte dont sir Georges couvrait ses recherches, était soupçonnée d’avoir volé autrefois un enfant appartenant à une famille d’Angleterre à laquelle il prenait intérêt. En lui parlant de Ratcliffe, cet homme de loi ne le lui avait désigné que par le titre officiel auquel lui donnaient droit les fonctions qu’il exerçait, de sorte que lorsqu’on vint annoncer à sir Georges que le geôlier de la prison, à qui il avait fait dire de passer chez lui, y était arrivé et l’attendait, il ne se doutait pas qu’il allait retrouver en lui son ancienne connaissance, James Ratcliffe ou Daddy Rat.
Ce fut donc pour lui une nouvelle surprise, et très désagréable, car il n’eut pas de peine à reconnaître les traits remarquables de cet homme. Mais la métamorphose de Georges Robertson en sir Georges Staunton déjoua la pénétration même de Ratcliffe : il salua très humblement le baronnet et Butler, et dit à celui-ci qu’il espérait qu’il l’excuserait de se rappeler qu’ils étaient anciennes connaissances.
– Et vous avez, dans une certaine occasion, dit Butler, rendu un grand service à ma femme. J’espère que vous avez reçu la marque de reconnaissance qu’elle vous en a envoyée ?
– Certainement, certainement ! Mais vous êtes bien changé, M. Butler, depuis que je ne vous ai vu, et ce n’est pas en pire.
– Si changé, que je suis surpris que vous m’ayez reconnu.
– Moi ! du diable si j’oublie jamais une figure que j’ai vue une seule fois ! s’écria Ratcliffe, tandis que sir Georges, au supplice, et ne pouvant s’échapper, maudissait intérieurement la fidèle mémoire du geôlier.
– Et cependant, continua Ratcliffe, le plus habile s’y trompe quelquefois ; car en ce moment même, je vois dans cette chambre, si j’ose le dire, une figure que je croirais appartenir à une de mes vieilles connaissances, si je ne savais quel est l’honorable seigneur à qui elle appartient.
Le baronnet vit le danger dans lequel il se trouvait. – Je ne serais pas très flatté, dit-il en fronçant le sourcil, que ce fût à moi que vous fissiez ce compliment.
– Nullement, monsieur, nullement, dit Ratcliffe en s’inclinant profondément : je suis venu ici pour recevoir les ordres de Votre Honneur, et nullement pour vous ennuyer de mes pauvres observations.
– Fort bien, monsieur, on m’a assuré que vous êtes
Weitere Kostenlose Bücher