La Prison d'Édimbourg
occasion.
– Votre Honneur en est le meilleur juge ; mais je saurai la tenir en bonne humeur, et je réponds bien qu’elle nous mènera par le bon chemin. – Elle dort souvent à la belle étoile, ou erre dans ces montagnes toute la nuit pendant l’été.
– Eh bien, Ratcliffe, j’y consens… Mais prenez bien garde à ce que vous ferez ! votre vie dépend de votre conduite.
– C’est une triste chose pour un homme, quand une fois il a été aussi loin que moi, de ne pouvoir être honnête de quelque façon qu’il s’y prenne.
Telle fut la réflexion de Ratcliffe, quand il resta quelques minutes livré à lui-même pendant que l’officier de la justice allait chercher le mandat dont il avait besoin, et prendre toutes les dispositions nécessaires.
La lune se levait lorsque Sharpitlaw, avec ses gens, sortit de l’enceinte d’Édimbourg et entra dans la pleine campagne. Arthur’s Seat, tel qu’un immense lion couchant {65} – et les Salisbury-Craigs, semblables à une vaste ceinture de granit, se dessinaient obscurément dans l’ombre. Suivant le sentier au sud de Canongate, ils atteignirent l’abbaye d’Holyrood-House, et de là pénétrèrent, en franchissant quelques haies et quelques rochers, dans le Parc du roi. Ils n’étaient d’abord que quatre ; Sharpitlaw et un officier de police, armés de sabres et de pistolets ; Ratcliffe, à qui l’on n’avait pas cru devoir confier d’armes, peut-être de peur qu’il n’en fît un mauvais usage, et Madge, qui avait consenti à leur servir de guide. Mais, en descendant la montagne, ils trouvèrent quatre autres officiers de police armés jusqu’aux dents, auxquels Sharpitlaw avait donné ordre de se rendre d’avance en cet endroit, et de l’y attendre, afin d’avoir une force suffisante pour rendre toute résistance inutile, et pour exciter moins d’attention en sortant de la ville.
Ratcliffe ne vit pas avec plaisir cette augmentation d’auxiliaires. Il avait pensé jusqu’alors que Robertson, jeune, alerte, vigoureux et plein de courage, se débarrasserait aisément de Sharpitlaw et de son acolyte, grâce à sa force ou à son agilité ; et, comme on ne lui avait point donné d’armes, on ne pouvait attendre ni exiger de lui aucune coopération active. Mais quand il vit la troupe renforcée de quatre hommes robustes et bien armés, il comprit que le seul moyen de sauver Robertson (et le vieux pécheur était disposé à s’y prêter, pourvu que ce fût sans compromettre sa propre sûreté) serait de l’avertir, par un signal, de leur approche.
C’était dans cette intention que Ratcliffe avait demandé que Madge lui fût associée, se fiant à la propension qu’elle avait à exercer ses poumons. En effet, elle leur avait donné tant de preuves de sa bruyante loquacité, que Sharpitlaw était presque résolu à la renvoyer, avec un des officiers de police, plutôt que de mener plus avant une personne si peu propre à servir de guide dans une expédition secrète. Il semblait aussi que l’air plus vif, l’approche des collines et la clarté de la lune, qu’on suppose avoir tant d’influence sur les cerveaux malades, excitaient ses chants plus que de coutume. La réduire au silence par la persuasion paraissait impossible ; les ordres ni les promesses n’en venaient à bout, et les menaces ne faisaient que la rendre plus intraitable.
– Quoi ! dit Sharpitlaw, impatienté, pas un de vous n’est en état de me conduire à cette maudite butte, à cette infernale butte de Muschat ? Il n’y a que cette folle criarde qui en connaisse le chemin !
– Du diable si aucun de ces poltrons la connaît ! s’écria Madge ; mais moi, combien de nuits j’ai couché sur cette butte, depuis le vol de la chauve-souris jusqu’au chant du coq ! combien de fois j’y ai causé avec Nicol Muschat et Ailie Muschat sa femme, qui dorment par-dessous !
– Au diable votre folle tête ! s’écria Sharpitlaw ; ne permettrez-vous pas qu’on me réponde ?
Ratcliffe étant parvenu à occuper un moment l’attention de Madge, tous les officiers de police déclarèrent à leur chef qu’ils connaissaient parfaitement la butte de Muschat, mais qu’il leur serait impossible de la distinguer à la lumière douteuse de la lune, de manière à y aller directement pour assurer le succès de l’expédition.
– Mais que faire, Ratcliffe ? dit Sharpitlaw ; s’il nous entend avant que nous soyons près de lui (et il n’est que
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