Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
Vom Netzwerk:
cramponnait à sa vision des choses et méprisait le reste.
    « En réalité, après l’expulsion des Médicis, les chefs des grandes familles se réunissent pour discuter d’un nouveau gouvernement. Mais comme ils se méfient les uns des autres, ils décident d’accorder une parcelle de pouvoir à Savonarole, le seul qui ne se laissera pas corrompre.
    « Sa popularité ne fait que croître. On prend ses sermons à cœur. Les boutiquiers lisent la Bible, les joueurs se font discrets. Boire et se battre n’est plus à la mode. Mais Savonarole constate que le mal persiste. Alors il met au point son programme de réforme.
    Paul passe carrément la tête sous son bureau. Finalement, dans un bruit de ruban qu’on arrache, il extirpe une enveloppe en papier kraft. Elle contient un calendrier dessiné de sa main. Il a encerclé en rouge des jours de fêtes religieuses que je ne connais pas et pris quelques notes en noir, que je n’arrive pas à lire.
    — Nous voici en février 1497, dit-il en me montrant le calendrier, deux ans avant la publication del’ Hypnerotomachia . Le carême approche. Cette période de jeûne et de sacrifice est traditionnellement précédée de quelques jours de fête, au cours desquels la population se déchaîne. C’est ce qu’on appelle, aujourd’hui encore, le carnaval. Et comme les quarante jours du carême débutent le mercredi des Cendres, la veille constitue le point culminant du carnaval : le Mardi gras.
    Certains de ces faits me sont familiers. Mon père a dû les évoquer devant moi avant que nos relations se dégradent. À moins que je n’en aie entendu parler au catéchisme…
    Paul exhume une vue d’ensemble : FLORENCE , 1500.
    — Le carnaval de Florence est une période de désordres, de beuverie et de débauche. Des bandes de jeunes barrent l’accès aux rues et exigent un péage. Puis ils flambent l’argent récolté dans l’alcool et le jeu.
    Il montre un espace au milieu du dessin.
    — Une fois complètement saouls, ils se rassemblent autour de feux allumés sur la grande place et terminent la nuit par une rixe au cours de laquelle les bandes rivales se lancent des pierres. Tous les ans, il y a des blessés, parfois des morts.
    « Bien sûr, Savonarole fustige le carnaval. À ses yeux, la chrétienté est menacée et le peuple de Florence soumis à la tentation. Il clame qu’une force plus puissante que les autres contribue à la corruption de la ville. Cette force enseigne aux hommes que l’autorité païenne peut prendre le pas sur la Bible, qu’on peut vénérer la sagesse et la beauté dans ses manifestations les plus impies. Elle pousse les hommes à croire que la vie se résume à une quête du savoir et du bonheur terrestre, ce qui les détourne de la seule chose qui compte vraiment : le salut. Cette force, c’est l’humanisme. Et ses plus ardents défenseurs sont les illustres penseurs de la cité : les humanistes.
    « C’est alors que Savonarole a une idée terrible. Le jour du Mardi gras, il organise un événement majeur, qui doit témoigner du progrès et de la transformation de la ville tout en rappelant leurs péchés aux citoyens. Les jeunes gens sont autorisés à poursuivre leurs cavalcades, mais cette fois ils ont un but : ils doivent se saisir de tous les objets païens qui leur tombent sous la main et les apporter sur la place de la Seigneurie. Ces objets sont entassés pour former une imposante pyramide. Et ce jour-là, le jour de Mardi gras, alors que ces bandes de voyous ont l’habitude de s’asseoir autour des feux et de se lancer des pierres, Savonarole leur permet d’édifier un autre genre de bûcher.
    Paul regarde sa carte, puis se tourne vers moi.
    — Le bûcher des vanités, dis-je.
    — Oui. Les bandes se succèdent avec leurs tombereaux remplis. Ils reviennent avec des cartes et des dés. Des jeux d’échecs. De l’ombre à paupières, des pots de maquillage, des parfums, des résilles, des bijoux. Des masques et des costumes. Et, plus important que tout le reste, des livres païens. Des manuscrits d’écrivains grecs et romains. Des tableaux et des sculptures.
    Il replace son dessin dans l’enveloppe de papier kraft et poursuit d’une voix sombre :
    — Le 7 février 1497, jour du Mardi gras, la ville entière est rassemblée autour de la grande place. La pyramide mesure vingt mètres de haut et quatre-vingt-dix de large. Et tout s’envole en fumée.
    Il s’interrompt un instant, regarde derrière

Weitere Kostenlose Bücher