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La règle de quatre

La règle de quatre

Titel: La règle de quatre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ian Caldwell
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splendides, l’entretien des plus brillants penseurs, la possession des plus grandes bibliothèques. Essaie d’imaginer, Tom. On se croirait dans un rêve.
    Nous regagnons son box, où il se décide enfin à s’asseoir.
    — Puis, à la fin du XV e siècle, peu de temps avant la rédaction del’ Hypnerotomachia, se produit un événement capital. Tous les spécialistes de la Renaissance le connaissent, mais personne ne l’a jamais associé au livre. Dans les énigmes de Francesco, il est constamment fait allusion à un prédicateur issu de sa communauté. Je n’arrivais pas à faire le lien.
    — Je croyais que les thèses de Luther dataient de 1517. Colonna écrivait dans les années 1490.
    — Il ne s’agit pas de Luther. En 1491, un moine dominicain est envoyé au monastère Saint-Marc de Florence.
    Soudain, je sais.
    — Savonarole.
    Ce fou qui, au tournant du siècle, galvanisait les foules en essayant à tout prix de restaurer la foi auprès des Florentins.
    — Savonarole est un fanatique. Le pire qu’on ait connu. Aussitôt arrivé à Florence, il reproche aux habitants leur immoralité, qualifie de païens les arts et fustige le gouvernement. Il clame que Dieu ne regarde pas les Florentins avec bienveillance, les engage au repentir.
    Je lève la main.
    — Je sais ce que tu penses, poursuit Paul. Mais, d’une certaine façon, il a raison. La Renaissance est une époque sans dieu. L’Église est corrompue. Le pape est mêlé à des manœuvres politiques. Prospero Colonna, l’oncle de Francesco, meurt soi-disant de la goutte, mais on pense qu’il a été empoisonné par le pape Alexandre, issu d’une famille rivale de la sienne. Voilà la Florence de cette époque : un monde où l’on peut soupçonner le pape de meurtre. Et ce n’est qu’une broutille : on l’a accusé d’inceste, de sadisme…
    « Pendant ce temps, alors que s’épanouissent l’art et le savoir, l’agitation règne. Les factions adverses se battent dans les rues, les grandes familles complotent les unes contre les autres pour s’arroger encore plus de pouvoir, et, même si la cité se considère comme une république, les Médicis contrôlent absolument tout. La mort fait partie du quotidien, tout comme l’extorsion et la coercition. L’injustice et l’inégalité sont monnaie courante. Quand on songe à toutes les belles choses que cette ère a produites, on reste perplexe.
    « Savonarole arrive donc à Florence et voit le diable partout. Il presse les citoyens de mettre de l’ordre dans leur vie, de renoncer au jeu, de lire la Bible, d’aider les pauvres et de nourrir les affamés. À San Marco, il s’attire des disciples. Il réussit même à se gagner l’estime de certains humanistes. Peu à peu, son influence s’accroît.
    Je l’arrête.
    — Je croyais qu’à cette époque les Médicis étaient toujours les maîtres.
    — Malheureusement pour eux, l’héritier du nom, Pierre, est fou, incapable de gouverner. Le peuple réclame sa liberté, mot sacré à Florence. Finalement, Savonarole expulse les Médicis. Tu te souviens de la quarante-huitième gravure ? L’enfant sur le char, qui dépèce les deux femmes ?
    — Celle de la conférence de Taft ?
    — Oui. Il affirmait que ce châtiment était la conséquence de la trahison. Mais a-t-il dit comment il l’interprétait vraiment ?
    — Non. Il a laissé le public juger par lui-même.
    — Mais il a parlé de l’enfant, des raisons pour lesquelles il avait une épée, non ?
    Je revois Taft debout sous l’écran, sa silhouette se déplaçant sur l’image.
    — Pourquoi l’enfant force-t-il ces femmes à tirer son char dans la forêt, s’il compte les tuer ? demandé-je.
    — Selon Vincent, Cupidon représente Pierre de Médicis. Pierre se comportait comme un enfant ; l’artiste l’a donc représenté ainsi. Par sa faute, les Médicis ont perdu leur pouvoir et ont été chassés. Les gravures le montrent fuyant à travers la forêt.
    — Et les deux femmes ?
    — D’après Vincent, elles symbolisent Florence et l’Italie. En agissant comme un enfant, Pierre détruisit la ville et le pays.
    — C’est vraisemblable.
    — Disons que cette interprétation en vaut une autre, reconnaît Paul en passant la main sous son bureau, comme s’il cherchait quelque chose. Mais elle est fausse. Vincent refusait d’admettre que la Règle de Quatre était la clef. Encore moins que seule la première image comptait. Il se

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